mardi 18 avril 2017

Le Journal de Yarmuth le Brun



Dans la chambre dévastée en face de la bibliothèque, dépassant sous les débris de l’autel brisé, les restes à demi calcinés d’un petit carnet attire l’œil de Thormund. Son insatiable curiosité aussitôt éveillée, il traverse le couloir d’un bond pour s’emparer de ce qui se trouve être le journal de Yarmuth le brun.






Flamerule 14, Année des brumes rampantes,1283 DR (Jour 1)

Comme je suis heureux d’être enfin aux côtés de Morienus. Toutes les rigueurs de mon voyage en valaient bien la peine. Les premiers aperçus de ses travaux dépassent de loin les attentes que notre fascinante correspondance avait fait naître.

Et quel bonheur inégalé de sentir la subtile rigidité de ma chair, délicieuse étreinte de Myrkul, signe de son approbation indubitable !



Flamerule 17, Année des brumes rampantes, 1283 DR (Jour 4)

Un rêve, une vision ! Jamais mon sommeil ne fut porteur d’autant de signes et de messages. Morienus les a interprétés immédiatement. La fièvre de l’inspiration divine s’est bel et bien emparé de lui.



Flamerule 22, Année des brumes rampantes, 1283 DR (Jour 6)

Après deux jours de travail intense sans sommeil, Morienus a enfin parlé. Quel génie ! La voie de la liche est une impasse, Larloch l’usurpateur l’a transformé en une piège inextricable au seul profit de sa rune inversée. Quelle infamie ! Comment a-t-il osé dévoyer ainsi les saints enseignements de mon maître ?

Mon rôle n’a jamais été aussi clair. Ma mission auprès de Morienus nous libèrera tous de cet impensable asservissement.



Flamerule 25, Année des brumes rampantes, 1283 DR (Jour 12)

Sans phylactère la nécrose s’en trouve décuplée. Les corps humains sont trop fragiles, Morienus veut les remplacer par ses propres créations. Idée brillante.



Eleasias 26, Année des brumes rampantes, 1283 DR (Jour 44)

Frustration ! même démantelés et réassemblés pour n’en garder que le meilleur, les corps de barbares ne résistent pas mieux aux flux nécromantiques nécessaires pour éviter la dégradation des esprits.

Je ne cesse de répéter à Morienus qu’il faut maintenant qu’il cesse d’écouter sa peste de femme : il nous faut travailler sur des hommes vivants. Les cadavres qu’il achète à Kinukki sont déjà pollués par les manipulations de leurs satanés shamans.



Eleint 4, Année des brumes rampantes, 1283 DR (Jour 52)

Quelle erreur c’était d’envoyer Mathilda tenter d’amadouer Kinukki. Il était évident qu’elle n’essayerait jamais de le convaincre de bonne foi de nous livrer ses prisonniers. C’est vers la tribu du loup qu’il faut envoyer des émissaires, mes visions sont limpides à ce sujet. Ceux du phoque sont sous le regard de Valkur, ils n’ont pas la liberté d’esprit dont nous avons besoin. Mais Morienus n’a pas l’esprit clair quand il s’agit de sa femme.



Eleint 27, Année des brumes rampantes,1283 DR (Jour 75)

Comme je l’avais prévu la collaboration avec les barbares a été un échec lamentable et il ne faut pas compter sur l’incompétence crasse de cet imbécile de Derek pour trouver une autre solution. Ses jours sont comptés de toute façon maintenant que Mathilda s’est lassé de lui.



Marpenoth 4, Année des brumes rampantes,1283 DR (Jour 83)

Morienus a eu une illumination en examinant les fiélons qu’il a invoqués pour lui ramener de nouveaux sujets d’expérience. Il veut tenter de remplacer la chair humaine par de la chair démoniaque. Est-ce là folie ou génie ? ô Myrkul, donne moi la sagesse de trouver la réponse.



Uktar 21, Année des brumes rampantes,1283 DR (Jour 130)

J’en suis presque mort de faim, mais mon jeûne mystique a porté ses fruits et mon seigneur m’a murmuré un nom. Un nom terrible. Un nom puissant. Un nom véritable.

Morienus aura enfin ce qu’il veut et les mensonges de ce maudit Derek cesseront enfin de lui empoisonner l’esprit.



Nightal 10, Année des brumes rampantes,1283 DR (Jour 150)

Mathilda a fui, sans nulle doute pour rejoindre son amant, quoique de cela Morienus n’en a que faire. Ce qui le rend fou de rage c’est qu’elle soit partie avec le grimoire contenant toutes ses recherches. Pourtant je l’avais mis en garde, j’avais bien vu que la présence du démon la terrifiait au-delà de toute raison.



Nightal 14, Année des brumes rampantes,1283 DR (Jour 154)

 Toutes nos tentatives de clairvoyance ont échoué. Valkur est tout puissant sur la mer gelée, c’est peine perdue.



Hammer 19, Année des étoiles mourantes,1284 DR (Jour 189)

Morienus a lancé Errtu lui-même à la poursuite de sa femme. Le fou ! ne se rend-il pas compte de l’insulte qu’il lui fait de le rabaisser ainsi au rang d’un vulgaire limier. Myrkul sait quelle erreur cela constitue et je sens sa rancœur de voir son don traité avec aussi peu de reconnaissance.

J’ai beau supplier, Morienus ne veut rien entendre. Derek l’aura monté contre moi avec sa langue de vipère. Oh comme je le hais !



Alturiak 14, Année des étoiles mourantes,1284 DR (Jour 214)

La folie de Morienus nous aura tous conduit à notre perte. Errtu a déchainé le feu des enfers sur la mer gelée. La fonte de la glace a tout inondé et la toundra n’est plus qu’un cloaque boueux où rien ne subsiste.

La tour nord s’est effondrée hier. Le cercle est brisé. Errtu est libre. Que Myrkul nous protège !



Mirtul 23, Année des étoiles mourantes,1284 DR (Jour 316)

Cela fait trois mois aujourd’hui qu’Errtu nous a enseveli dans cette tombe. Morienus est cloitré dans son laboratoire, protégé jour et nuit par son servile laquais. Derek fait encore une fois preuve de son insupportable bêtise en s’imaginant que son maître pourra le ramener à la surface.  Il faut bien au contraire nous débarrasser de lui si l’on veut briser les barrières qui nous retiennent.



Eleasias 18, Année des étoiles mourantes,1284 DR (Jour 402)

J’ai échoué. J’ai bien mal placé ma confiance dans cet ivrogne de sergent. Derek a découvert notre complot. Déjà les quelques séditieux que j’avais gagné à ma cause ont été plongés tête la première dans les oubliettes et je sais que je suis le prochain. Je les entends déjà qui enfoncent ma porte. Mais ils regretteront bientôt d’avoir cru pouvoir porter la main impunément sur un serviteur de Myrkul tel que moi. La mort est mon alliée, elle me donnera la force de leur faire payer. Qu’ils soient maudits, oui, qu’ils soient maudits pour l’éternité et au-delà !









                                                                                      
 


dimanche 9 avril 2017

La Tour Maudite



Une aventure de Donjons & Dragons de niveau 5

Avec


Tengrim Copperplate, le guerrier nain qui a exhumé Jotunbane de sa prison de glace
 
Thormund Sombracier, le sorcier qui a gardé son impatience de barbare

Finnlay Galindan, le druide dont le simple bâton de bois est plus dur que l'acier

Sir Wilbur, le paladin éternellement à la poursuite du mal

Ildur Main d’Airain, le ranger aux étranges intuitions

Kri Shanu, le moine aux poings rapides comme le vent

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Pendant un bref moment Ildur se perd dans la contemplation du carnage qui l’entoure. Thormund le sort de sa rêverie d’une tape sur l’épaule et lui tend la page froissée que l’homme à la robe violette tenait au creux de son poing.  Le ranger ne reconnait pas précisément le masque mais il lui évoque le symbole d’une religion étrangère, surement pratiquée dans les terres orientales de Faerun. Alors qu’il tente de sonder sa mémoire à la recherche de plus d’informations, l’impression à la fois familière et exotique que lui inspirait le dessin fait peu à peu place à un étrange sentiment d’urgence qui ramène ses pensées vers la tour. Il pousse alors ses camarades à l’accompagner sans plus attendre vers le cœur du cratère où un rougeoiement malsain pulse faiblement à travers l’obscurité.


Tengrim est le premier à s’engager sous la voûte de l’étroite fenêtre qui permet de pénétrer dans la ruine. Il n’y découvre qu’une vaste salle vide à l’exception d’un vieux chaudron rouillé fixé en son centre. Tandis que ses compagnons s’entassent derrière lui dans les ténèbres, il commence à inspecter l'endroit à la recherche d’une trappe. Au bout de quelques pas, une vive lueur illumine soudain un cercle de glyphes tracés sur le sol et les échos lointains qui emplissaient la salle se transforment en terrifiants cris de douleur. Un tourbillon désincarné d’âmes en peine les encerclent alors et les murs s’évanouissent pour laisser place à un paysage désolé couturé de crevasses remplies de lave. La pulsation rougeoyante du chaudron s’amplifie et commence à prendre une forme indubitablement démoniaque. Tengrim se précipite pour le renverser et interrompre l’invocation mais sa course est brutalement arrêtée par une énorme main griffue qui le saisit à la gorge, le soulevant de terre sans effort pour l’amener face au visage effroyable d’un seigneur démon qui rugit alors un terrible avertissement alors que la peau du nain commence à se couvrir de cloques à son contact incandescent.



« Pitoyables humains ! Contemplez ma vengeance contre Damian Morienus, lui qui eut l’audace de se croire supérieur aux maîtres des abysses ! Vous qui osez marcher dans ses traces, préparez-vous à connaître le prix de son arrogance et avec lui à le payer au centuple ! »

Comme cette dernière parole tonne dans le crâne des héros, ils prennent alors tous conscience que cette infernale vision n’était qu’une illusion. Tous sauf Tengrim qui, la bave aux lèvres et les doigts crispés sur le rebord du chaudron, reste sous l’emprise cauchemardesque du démon. D’un bond Kri est sur lui et l’arrache de force au cercle de runes, brisant ainsi le sombre sortilège qui le torturait.



Alors que Finnlay aide le nain à reprendre ses esprits, Ildur découvre une trappe dissimulée dans le sol derrière laquelle s’enroule un étroit escalier.   Au bas des marches se trouve une pièce exiguë munie d’une seule porte montée de manière étrange. Après avoir pris bien des précautions, les aventuriers finissent par l’ouvrir pour découvrir de l’autre côté une vaste chambre recouverte d’une épaisse couche de poussière. Au milieu de la pièce trône un massif lit à baldaquin dont les tentures tombent en lambeau. Dans le coin gauche se trouve un secrétaire en bois précieux rempli de vieux papiers moisis. En face, une coiffeuse délicatement ouvragée est installée sous un imposant miroir brisé par un coup violent en son centre. Enfin au fond de la pièce une lourde armoire cache une garde-robe  démodée comportant d’un côté les toges austères d’un érudit et de l’autre les dentelles défraîchies de toilettes féminines richement brodées. Au sol, des traces de pas récentes traversent la pièce pour aller se perdre dans un grand escalier qui descend sur au moins quatre autres niveaux s’il faut en croire l’expertise architecturale de Tengrim.



A l’étage inférieur, tout l’espace est occupé par les restes éparpillés d’un grand cabinet de curiosités dont les vitrines ont toutes été détruites. Le sol est jonché de fragments de vases ornementés venant d’aussi loin que Shou Lung, d’improbables animaux empaillés qui ont été à nouveau éventrés et d’antiques mosaïques brisées. Les engrenages tordus de machines gnomes fracassées complètent ce tableau chaotique dont les entrailles poussiéreuses ont pourtant été méticuleusement inspectées il y a peu de temps.



Au palier suivant Wilbur découvre une ancienne salle de garde qui n’est plus occupée aujourd’hui que par les squelettes silencieux des soldats qui devaient protéger le manoir au temps de sa splendeur. Impatient d’en savoir plus sur le lieu, Thormund continue quant à lui son exploration vers l’étage suivant. Il y trouve une grande porte solidement renforcée de barres métalliques qui se couvrent d’éclairs crépitants quand il tourne la poignée. Propulsé par le choc dans les bras d’Ildur qui couvrait ses arrières, il se relève encore fumant dans un halo de lumière verdâtre qui inonde le couloir à travers la porte entrouverte. Sans un bruit le barbare se confie une fois de plus à la mystérieuse puissance avec qui il a pactisé pour disparaître à la vue de ses compagnons médusés. Il se glisse alors invisible dans un immense laboratoire rempli d’installations étranges parcourues d’arcs électriques qui relient entre elles plusieurs cuves bouillonnantes qui irradient de cette étrange lumière. Un vieil homme au visage décharné s’active au milieu des appareils arcaniques en marmonnant d’incompréhensibles instructions qu’il semble tirer d’un antique tome qu’il compulse frénétiquement. Plutôt que de le déranger, Thormund préfère revenir doucement sur ses pas, quittant la pièce juste au moment où Finnlay les appelle à la rescousse du haut de l’escalier pour venir prêter main forte au reste du groupe qui a aussi fait une mauvaise rencontre de son côté.



En effet, lorsque Wilbur s’est avancé vers les squelettes, ceux-ci se sont subitement redressés bien décidés à accomplir leur devoir en chassant les intrus venus déranger la quiétude de la demeure de leur maître. 




Le paladin brandit alors devant eux le symbole sacré de Torm dont la seule vue suffit à les mettre en déroute, laissant le soin à Tengrim et Kri de pulvériser les retardataires. Poursuivant les mort-vivants jusqu’au couloir suivant, Wilbur tombe nez à nez avec deux armures vides postées de part et d’autres d’une porte sur le mur de gauche. Mu par un funeste pressentiment, il décide d’abandonner la poursuite et plutôt que de tenter de rattraper les fuyards, il brandit sa masse d’argent pour l’abattre sur l’armure la plus proche. Comme il l’avait deviné celle-ci s’anime aussitôt d’une magie suspecte pour parer son coup et lui barrer le passage en compagnie de sa jumelle. Le vacarme de ferraille des deux horrifiques armures alerte de plus un autre habitant des lieux. Une voix aux accents pleins de suffisance s’élève pour exiger de connaitre les raisons de ce raffut. Repoussé fermement par ses deux adversaires Wilbur ne peut cependant qu’apercevoir furtivement la silhouette ténébreuse qui sort de la chambre située le plus loin au fond du couloir en se lamentant sur l’incompétence chronique de la garnison qu’il commande.



Rejoint par Kri et Finnlay, le paladin doit attendre que les armures reprennent leur position initiale avant de pouvoir se lancer à la poursuite de l’inconnu. Emporté par son élan il ne voit malheureusement pas la trappe piégée qui se dérobe sous ses pieds devant l’escalier suivant. Il chute de plusieurs mètres dans une eau boueuse qui lui monte jusqu’à mi poitrine au fond de ce qui ressemble à des oubliettes inondées. Une insupportable odeur de charogne lui assaille les narines alors qu’il reprend son souffle à grandes goulées. Ses compagnons s’empressent de lui lancer une corde mais comme il essaie de sauter pour l’attraper, il sent que quelque chose retient sa botte au fond de l’eau et une seconde après des mains squelettiques percent la surface pour l’agripper de toutes parts. Wilbur creuse aussitôt sa mémoire pour retrouver la prière qui lui permettrait de tenir ces mort-vivants à distance, mais c’est une invocation du nom de Myrkul, le défunt dieu de la mort, qui se fait entendre dans l’obscurité avant qu’un silence surnaturel ne s’abatte pour empêcher le paladin de faire appel à sa divinité tutélaire. Kri se jette alors à la rescousse en concentrant son ki pour entourer le demi-orc d’une barrière de glace protectrice tandis que Finnlay lance des traits de feu pour tenter de repousser les squelettes en train d’émerger. Ceux-ci sont cependant trop nombreux et les deux héros juchés sur leur plateforme de glace se retrouvent rapidement encerclés. Combattant dos à dos, ils ne voient qu’au dernier moment surgir la réelle menace de la pièce lorsque les flammes magiques du druide illuminent la face bestiale déformée par la faim d’une goule portant encore les attributs en lambeaux d’un prêtre de Myrkul. 



Yarmuth le Brun

Ses griffent immondes déchirent la cuisse de Wilbur qui sent immédiatement sa jambe entière s’engourdir. D’un puissant revers de sa masse, il rejette la créature à l’eau qui disparaît aussitôt sous la couche de glace dont Kri tapisse toute la pièce. Saisis d’urgence ils finissent de se débarrasser des squelettes sous une avalanche de coups avant d’avancer à la recherche de  la goule qui hante encore les profondeurs du puits. Dans le silence impénétrable qui les entoure ils ne peuvent entendre la glace qui craque sous leurs pas, sa surface se zébrant de fêlures qui la fragilise suffisamment pour qu’une main griffue la transperce soudain pour essayer de faire basculer Wilbur. Mais une fois de plus le paladin tient bon et résiste à la paralysie qui remonte vers son dos depuis la nouvelle blessure dont il écope.  Reprenant leur position défensive, le moine et le demi-orc se tiennent aux aguets, bien déterminés à ne pas laisser leur adversaire leur échapper à sa prochaine attaque. De longues secondes s’écoulent ainsi les doigts serrés autour du manche de leurs armes, quand soudain le monstre surgit à travers la glace de toute sa hauteur pour planter ses crocs putrides dans le mollet de Wilbur. Mais Kri est le plus rapide et c’est sur le manche de sa lance que la puissante mâchoire de la goule se referme, juste avant qu’un ultime coup de la masse d’argent du paladin ne vienne lui briser le crâne, le renvoyant définitivement auprès de son dieu maudit.



Alors que le corps de la créature disparaît dans la boue, le silence est balayé par des bruits de combat venant du couloir au-dessus.  En effet, pensant être protégé par son invisibilité, Thormund a essayé de se glisser entre les armures pour pénétrer dans la pièce qu’elles protègent. Mal lui en prit car ces gardiens magiques ne se laissent pas abuser par de tels sortilèges et à peine la poignée tournée leurs lames s’abattaient sur le barbare. 




Heureusement Tengrim et Ildur n’étaient pas loin et vinrent aussitôt prendre en tenaille l’armure la plus proche d’eux, le ranger parant les coups du construct de ses deux épées tandis que la lame enchantée de Jotunbane venait déchirer son torse métallique comme du papier, faisant couler une vapeur multicolore entre les pans tordus de son plastron. Après avoir attaché solidement la corde à l’une des torchères du couloir, Finnlay s’était aussi précipité au secours de Thormund, son simple bâton de bois faisant contre toute attente des merveilles face aux harnois animés, tout comme la grande épée invoquée du barbare dont les coups de boutoir achèvent de démanteler le heaume de son adversaire au moment où Wilbur et Kri rejoignent enfin leurs compagnons.



Profitant du calme revenu, les héros s’égaillent dans le couloir pour aller fouiller les pièces adjacentes. Wilbur inspecte la chambre d’où était sorti l’individu qu’il a aperçu quand il poursuivait les squelettes. Il y trouve les appartements surannés d’un gentilhomme amateur de liqueurs fines et de poésie courtoise. Tengrim fait voler d’un coup de botte la porte de la chambre d’à côté qui est dans un désordre indescriptible. Les meubles sont brisés, les linges sont déchirés et les objets cérémoniels d’un autel dédié à Myrkul sont éparpillés aux quatre coins de la pièce. Thormund quant à lui pénètre dans la bibliothèque. Les murs sont couverts de livres moisis traitant principalement de sciences naturelles. En face de la porte une immense baie vitrée retient derrière ses épais carreaux de verre la masse de terre gelée sous laquelle le château est englouti. Sur la gauche, un grand chandelier d’or repose sur le linteau d’une imposante cheminée. S’approchant pour s’en saisir, Thormund pose le pied sur une dalle piégée qui déclenche la fermeture de la pièce par de lourdes herses qui s’abattent en travers de la porte et des fenêtres. Au même moment à l’autre bout du couloir, Finnlay entend le pas cadencé d’une troupe qui remonte sous les ordres condescendants de leur capitaine.



Aussitôt les héros se mettent en position pour recevoir la charge de ces nouveaux adversaires. Wilbur se tient en première ligne en ayant pris soin cette fois-ci de requérir la protection de Torm contre les séides du mal avant que ceux-ci n’arrivent. A côté de lui Kri se tient caché en embuscade dans un renfoncement du couloir. Derrière eux,  Tengrim, Ildur et Finnlay forment une ligne de défense solide devant la herse qui empêche Thormund de les rejoindre.

C’est une escouade disciplinée de soldats squelettes qui se présente alors, menée par un chevalier à la silhouette faite de ténèbres mouvantes. D’une voix pleine de morgue, il déclare alors que les aventuriers ne sont pas les bienvenus dans ce château où ils sont entrés sans invitation. 
Derek, le capitaine de la garde
Wilbur réplique qu’ils ne sont pourtant pas les premiers à avoir pénétré en ces lieux dans les derniers jours, ce à quoi le spectre objecte que l’homme qui les a précédés a au contraire été reçu avec enthousiasme par son maître qui l’a autorisé à se mouvoir à sa guise dans tout le manoir. Devant le refus manifeste des héros d’obtempérer à ses directives, le capitaine finit par perdre patience et donne l’ordre à ses troupes de courir sus aux intrus. Une véritable marée de squelettes dépasse alors Wilbur pour venir s’écraser contre le rempart de ses compagnons. Le spectre resté seul face au paladin dégaine alors une longue rapière avant de lui signaler d’un geste provocateur qu’il est prêt à l’affronter. Sûr du soutien de Torm, Wilbur avance alors sans trembler et sa masse bénie vient traverser le torse du capitaine à la grande consternation de celui-ci qui en lâche sa lame de surprise avant de prendre ses jambes à son cou sans hésiter un instant. Wilbur s’élance aussitôt à sa poursuite vers les étages inférieurs laissant le soin à ses camarades de finir de fracasser les malheureux mort-vivants censés les mettre dehors manu militari.
Dévalant à pleine vitesse les escaliers de la tour opposée à celle qui émerge à la surface, Wilbur débarque dans le grand hall d’entrée de la bâtisse dont les lourdes portes se sont effondrées révélant un accès à une large grotte dans laquelle s’engouffre le spectre, sa course effrénée ne laissant aucune trace dans la grande flaque de boue qui envahit maintenant la pièce. Dérouté par cette vision inattendue, le paladin s’arrête net au bas des dernières marches et abandonne de ce fait la poursuite dont le fracas a cependant attiré l’attention d’un autre serviteur de la maisonnée. Une grosse voix lente lance en effet un appel depuis l’autre côté du bâtiment :


 « Derek ? Est-ce que c’est toi ? Derek ? J’ai faim Derek, il faut m’amener à manger ! Tu avais promis, Derek ! Derek ? »

Wilbur avance à pas de loup vers la voix qui vient en fait des geôles creusées dans le sous-sol. Une lourde grille barre l’accès aux cellules, mais les prisonniers repèrent l’arrivée du paladin et viennent coller leurs faces squelettiques aux barreaux qu’ils secouent furieusement. Une énorme masse de chair en putréfaction s’extraie alors du petit bureau du geôlier pour venir renvoyer les pitoyables captifs mort-vivants au fond de leurs cachots en les menaçant de son immense gourdin. Le colosse avise alors le paladin et s’étonne de sa présence. Celui-ci tente bien de donner le change en prétendant être envoyé par Derek mais son incapacité à trouver un mensonge crédible qui expliquerait pourquoi il n’a dans ce cas rien apporté à manger met un terme prématuré à la conversation. Wilbur ravale alors sa fierté et tourne les talons avant de finir dans l’estomac de l'ogre toujours affamé même par-delà la mort.



Pendant ce temps, c’est au milieu d’un couloir transformé en ossuaire que les autres aventuriers pansent leurs plaies avant de s’atteler à la tache de libérer Thormund de sa prison. Combinant leurs forces à celles du barbare, ils parviennent à suffisamment relever la herse pour pouvoir se glisser dans la bibliothèque. L’inspection de Thormund était restée infructueuse mais les sens magiques de Finnlay lui permettent de repérer un glyphe de protection dissimulé dans un coin de la pièce. Canalisant une partie de sa propre puissance dans le pentacle ensorcelé il parvient à le surcharger, le désactivant tout en libérant le mécanisme de la porte secrète qu’il défendait. Derrière le pan de mur amovible se trouve une alcôve remplie d’une quinzaine de coffrets métalliques identiques qui irradient d’une légère aura magique.

Ne résistant pas à la curiosité, Thormund s’empare de la première boite à sa portée et l’ouvre sans plus y réfléchir. L’intérieur n’est qu’un noir insondable dont émerge presque aussitôt une patte chitineuse faite de ténèbres animées. Surpris, le barbare laisse tomber le coffret à ses pieds, libérant cinq araignées gigantesques qui se répartissent en quelques bonds sur les murs et le plafond de la bibliothèque, encerclant les héros tout en crachant sur eux une toile collante dans laquelle Tengrim et Thormund se retrouvent prisonniers. 


Il leur faut mobiliser toute leur force pour s’en dépêtrer alors que les effroyables arachnides plantent déjà leurs crochets dans leur chair pour y libérer un venin redoutable. Libres de leurs mouvements, Finnlay et Kri ont malgré tout bien du mal à garder les monstres à distance. Heureusement, Ildur, resté en arrière, a toute la place nécessaire pour manier son arc et il  encoche flèche sur flèche, perçant à chaque coup l’abdomen boursouflé d’une créature jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’une dont la tentative de fuite désespérée s’achève la tête clouée au sol entre les pieds du ranger.


Quatorze autres coffres pleins de promesses de richesses restent encore intacts devant les aventuriers mais oseront-ils  les ouvrir sachant que plutôt que de l’or c’est peut-être la mort qui les attend à l’intérieur ?