Une aventure de Donjons &
Dragons de niveau 9
Avec
Tengrim Copperplate, Le nain tueur de géants
Finnlay Galindan, Le druide aux
mille questions
Ildur Main d’Airain, Le ranger dresseur de wyvernes
Le lourd battement des ailes de cuir des
wyvernes emporte les héros par-dessus les sommets des Pics Gris. Leurs montures
sont loin d'être des plus commodes et malgré les efforts d'Ildur pour les
amadouer, ils redoutent chaque matin au moment de sauter en selle que leurs
aiguillons empoisonnés ne les embrochent. Après deux jours de vol plein Est,
une étrange formation nuageuse apparaît à l'horizon. Noires comme à l'imminence
d'une tempête, les nuées roulent les unes sur les autres comme poussées des
quatre points cardinaux par des vents contradictoires. A l'approche du curieux
phénomène, les wyvernes s'agitent, leurs cris stridents semblant répondre à de
lointains appels inaudibles pour l'oreille humaine. Les montagnes font peu à
peu place à un désert de rocailles couturé de ravins où plus rien ne pousse
depuis la chute de l'empire du Netheril. De l'abri de la crevasse où ils se
sont posé les aventuriers inquiets scrutent le ciel à la recherche de la
forteresse qui s'y cache. Aucun mouvement ne trahit sa présence. Ce n'est qu'à
la nuit tombée qu'ils discernent enfin un signe qu'ils ont suivi la bonne
piste. Deux silhouettes ailées de taille humaine se découpent dans le rideau de
rayons de lune qui tombent à la frontière des nuages. Sans hésiter elles s'y
engouffrent et y disparaissent, puis tout reste immobile jusqu'au matin. Dans
la pale lueur de l'aube, les obscurs cumulus s'écartent, repoussés par la lente
descente d'un rocher colossal suspendu par magie dans les airs.
Ses flancs sont
constellés de cavernes reliées par un maillage de passerelles et d'escaliers
accrochés sur le vide. A son sommet les parois de granit noir se muent en
murailles vertigineuses renforcées de tours de guet aux proportions
gargantuesques. Les pointes acérées de grandes balistes dépassent entre leurs
créneaux et même la stature des sentinelles qui arpentent le chemin de ronde
semble démesurée. L'impossible vaisseau de pierre s'arrête à quelques mètres du
sol et son flanc s'ouvre pour dérouler une longue passerelle de marbre sur laquelle
s'engage une sinistre délégation. A sa tête les héros reconnaissent l'aspect
immanquable de Rezmir, flanquée de deux étranges formes un peu bossues
couvertes de la tête aux pieds de grandes capes grises. Derrière eux une
vingtaine de kobolds brandissant l'étendard de la quintuple griffe tirent un
chariot soigneusement bâché sous supervision de quelques dragonclaws. L'escorte
de la wyrmspeaker est enfin complétée par quatre monstrueux demi-dragons dont
les écailles d'obsidienne se confondent avec les lourdes armures noires qui les
recouvrent. Les aventuriers hésitent un instant à les suivre mais ils estiment
finalement que leurs chances de sortir vainqueur d'une embuscade contre cette
troupe sont trop minces pour tenter leur chance. Ils laissent donc Rezmir
s'éloigner suffisamment pour qu'elle ne puisse pas les surprendre au sortir de
leur cachette, puis ils remontent en selle pour pousser leurs wyvernes vers les
nuages dans lesquels Skyreach Castle s'est à nouveau enfoncé. Préférant éviter
la large passerelle qui semble dédiée à accueillir les montures volantes, ils
choisissent plutôt de se glisser dans l'une des larges cavernes qui s'ouvrent
sur la face inférieure de la forteresse. Les wyvernes rechignent cependant à
pénétrer plus loin dans les entrailles du rocher et à peine ont-ils mis pied à
terre qu’elles repartent avec enthousiasme vers les écuries qui les attendent
au niveau supérieur. Les boyaux dans lesquels s'enfoncent désormais les héros
sont plongés dans une profonde obscurité. Tengrim est certain que le dédale est
d'origine naturelle et qu'il était déjà présent avant que le roc ne soit
arraché à la terre par une magie extrêmement puissante. Ces réflexions sont
soudainement interrompues par un cri déchirant dont l'écho se répercute à
travers les galeries qui les entourent. Presque humain le hurlement fait naître
un sentiment de pitié irrépressible dans le cœur des aventuriers. En remontant
vers la source de ces gémissements de douleur, ils croisent des signes de plus
en plus nets que les grottes qui parsèment les sous-sols ne sont pas toutes
abandonnées. Ce sont d'abord des glapissements caractéristiques de kobolds qui
leur parviennent aux oreilles, puis Tengrim découvrent d'inquiétantes traces de
griffes qui ont mordu la pierre des souterrains les plus larges. C'est enfin
une odeur volcanique insistante, étrangement mêlée d'un léger parfum de
violette, qui assaille leurs narines. Le rugissement pathétique s'élève à
nouveau devant eux au moment même où la lumière ardente d'une explosion de
flammes illumine le dernier couloir qu'ils empruntent. Avec une extrême
prudence, ils approchent pour espionner la voix caverneuse qui ricane des
tortures auxquelles elle s'adonne. Dans les reflets rougeoyants de la pierre
calcinée, ils découvrent la forme bestiale d'un dragon rouge.
Glazhael le Rouge |
Aussi grand qu'un
chariot, ses larges ailes repliées dans le dos et sa longue queue fouettant le
sol, il arpente souplement le sol d'une vaste caverne en cherchant quel nouveau
tourment infliger à sa victime. Crucifié contre la paroi par de grands pieux
métalliques, un petit dragon aux écailles cuivrées lutte au seuil de la
conscience pour préserver les dernières forces de son corps brisé. Entre deux
questions, Glazhael, le dragon rouge, se régale à imaginer les ravages que lui
offrira sa déesse quand les plans du culte auront abouti. Il sent déjà craquer
sous ses crocs les os délicats des elfes et les panses rebondies des nains,
mais ce qui le réjouit encore plus que tout le reste, c'est la perspective de
voir enfin les dragons métalliques vaincus par la rage de Tiamat face à
laquelle même le roi de justice et toute son arrogance devront courber
l'échine. Felgolos, le jeune dragon de cuivre, soupire devant ces élucubrations
car de son point de vue la rage destructrice de la reine du chaos ne fera pas
le tri dans ses victimes et le culte sera anéanti comme les autres par la folie
de son projet.
Ses
mises en garde sont bien sûr ignorées par Glazhael qui redouble de violence
pour lui arracher le secret des coffres d'Elturgard que Felgolos semble bien
décidé à emporter dans la tombe. Mais le dragon rouge ne compte pas le laisser
s'en tirer aussi facilement et il ordonne à ses lieutenants kobolds de piocher
dans son trésor personnel les potions nécessaires à maintenir le dragon de
cuivre au seuil de la mort, là où la souffrance est la plus intense et le
désespoir le plus noir.
Comptant
sur la cruauté de son tortionnaire pour assurer sa survie encore un moment, les
aventuriers renoncent à porter secours au malheureux dragon métallique et
continuent leur exploration de la forteresse. Leurs pas les conduisent toujours
plus haut, jusqu'à enfin déboucher à l'air libre. La galerie dont ils émergent
donne sur la cour intérieure du château gigantesque dont ils ont aperçu les
murailles un peu plus tôt. Entièrement taillée dans un marbre blanc façonné par
magie, elle n'a de toute évidence pas été conçue à l'échelle humaine. Tout y
est beaucoup trop grand, en particulier les fantastiques machines de guerre
encore en construction autour desquelles veillent de massifs ogres engoncés
dans de somptueuses livrées supplantées de rutilants casques à plumes qui ne
font qu'accentuer le grotesque de leur faciès. Au-dessus d'eux s'élève la
titanesque tour centrale du château, ses façades marmoréennes percées de
vitraux magnifiques où d'héroïques figures couronnées de lauriers d'or
étranglent des bêtes serpentines de leurs mains nues. En face d'eux une
puissante herse interdit l'accès au grand escalier qui descend vers le niveau
inférieur.
De
l'autre côté de la cour, une tour secondaire semble elle aussi habitée car de
sa grande fenêtre entrouverte s'échappe un filet de fumée bleuâtre. Quelques
mètres plus loin, une vaste serre s'accroche au rempart et une ombre colossale
s'y affaire au milieu de la végétation. Le jardin exotique semble malgré tout
être le point d'entrée le plus aisé vers l'intérieur du château. Ildur repère
avec précision le rythme des rondes ses sentinelles et à son signal lorsqu'il
est sûr que les regards ne seront pas tournés vers eux, il s'élance à travers
la cour, suivi de ses compagnons couverts par la magie de Finnlay qui a fait
dériver un banc de nuages sur le trajet qu'ils empruntent. En passant devant la
fenêtre de la tour secondaire, ils aperçoivent l'origine des fumeroles qui s'en
dégagent. Deux géants de pierre à la peau grise sont penchés au-dessus d'un
chaudron bouillonnant dans lequel ils plongent leurs regards interrogateurs
tout en psalmodiant un rituel primitif. Tout absorbés par leur méditation, ils
ne remarquent pas les héros qui se faufilent au-dessus d'eux jusqu'à la haute
porte de verre qui permet d'entrer dans la serre. Le paysage qu'il découvrent
derrière est tout bonnement fantastique. Une collection incroyable d'essences
rares s'y épanouit dans une atmosphère tropicale. Des perroquets multicolores
de Maztica nichent dans les arbres inconnus de la jungle de Chult à côté
desquels pendent les lourdes grappes des étranges fruits de Kara Tur. Les
parfums extraordinaires qui envahissent l'air tournent la tête des aventuriers
qui se tapissent sous les buissons taillés de la lointaine Durpar qui bordent
les allées. Derrière les feuilles rouges qui les cachent, le colossal jardinier
est tout à son œuvre, sifflotant joyeusement tout en faisant claquer les lames
énormes de son sécateur. Un feulement méfiant se fait soudain entendre au pied
de la haie. Une grande panthère de Zakhara aux rayures fauves a senti l'odeur
des aventuriers et se tient prête à bondir à quelques pas d'eux. Ses
grondements ont attiré l'attention de son maître qui interrompt la taille de
ses arbres pour venir la disputer comme on le ferait avec un quelconque matou.
Se sachant près d'être découvert, Finnlay préfère se révéler. Face à lui se
tient un vieux géant des nuages, sa fine barbe blanche tombant de son visage
parcheminé sur le tablier de cuir qu'il a passé sur sa robe d'azur et d'or.
Zephyros |
Le
vieillard interloqué n'a pas le temps de se remettre de sa surprise que déjà le
druide l'assaille de questions à un rythme effréné qui le décontenance encore
plus. Leur hôte ne semblant pas hostile, Ildur et Tengrim s'avancent à leur
tour. Le géant profite alors de la diversion pour enfin lancer l'avertissement
qu'il essayait en vain de placer depuis plusieurs minutes ; les héros sont en
grand danger et doivent au plus vite quitter les lieux avant d'être découverts.
Zephyros, tel qu'il se présente, les prend initialement pour des cultistes
égarés qui ont enfreint sans le savoir l'interdiction absolu faite aux humains
de quitter la basse cour que son neveu Blagothkus, le seigneur de Skyreach
Castle, a édictée. Sentant que le vieux géant est inoffensif, les héros
prennent le risque de lui révéler leurs véritables intentions de contrecarrer
les plans du culte. En réponse, Zephyros fait taire ses inquiétudes et accepte
leur proposition de libérer le château des adorateurs de Tiamat. Il leur
explique que Blagothkus a conclu cette alliance improbable
sous l'influence de sa cousine. Sansuri, la fille de Zephyros, est en effet
aussi pleine de rancœur et de jalousie que son père est doux et compassionné.
Elle refuse de se plier à l'ordre ancestral d'Annam que le dieu des géants a
imposé à ses enfants et ses paroles fielleuses ont réussi, on ne sait comment,
à convaincre son cousin qu'il est digne de renverser Hekaton, le roi des géants
des tempêtes, pour mener ses semblables vers un ordre nouveau dont il sera le
maître incontesté. Pour accomplir ce projet fou il lui faut bien sûr de
puissants alliés et Sansuri lui a alors suggéré d'obtenir l'appui de Rezmir et des
légendaires grands vers qu'elle peut rallier à sa cause au nom de sa déesse,
car qui est mieux à même d'abattre le règne fantoche d'Hekaton si
ce n’est les ennemis héréditaires de l'ancienne Ostoria?
Les héros se cachent donc dans la grande
besace de Zephyros qui les introduit clandestinement dans le grand hall du
château au nez et à la barbe des gardes ogres qui flanquent la monumentale
porte ornementée de la tour principale.
Blagothkus |
Blagothkus
accueille son oncle en le tançant d'une voix tonnante pour son retard à venir
prendre place au banquet en cours. Zephyros murmure quelques timides excuses
qui lui valent une volée d'insultes acerbes de la part de sa fille. Affublée
d'un masque de porcelaine qui lui couvre les yeux, la géante couverte de bijoux
sans prix est pendue à l'épaule de son cousin et lui susurre un chapelet de
médisances enrobées d'une flagornerie éhontée à laquelle il acquiesce d'un air
satisfait. Seul un jeune géant semble attristé par le traitement sévère que
reçoit Zephyros. Thullen, le fils de Blagothkus, tend ainsi à son grand-oncle
une assiette d'or débordant de victuailles en lui posant une main compatissante
sur l'épaule. Le regard peiné qu'il lance à son père semble le déstabiliser un
instant, mais aussitôt Sansuri reprend son persifflage en lui caressant la joue
et sa figure se durcit à nouveau en une expression de mépris pour le vieillard.
Finnlay a bien observé tout l'échange depuis un trou de la besace dans laquelle
les héros sont cachés. Il n'a aucun doute que le seigneur des lieux est sous
l'emprise d'un charme qu'il s'attelle immédiatement à défaire. A peine sa
dissipation de la magie a-t-elle fait effet que ses compagnons se révèlent au
grand jour, jetant les géants dans un émoi comparable à celui que l'irruption
d'une armée de cafards au milieu de leur festin aurait provoqué. Alors que
Cressaro, le puissant sénéchal du château, se jette devant son maître pour le
protéger de sa mirifique armure d'argent embossée de complexes motifs végétaux,
Tengrim se lance dans une violente diatribe dénonçant la duplicité de Sansuri.
Soutenu par l'approbation de Zephyros, le discours semble faire mouche et
Blagothkus échappe enfin à l'influence néfaste de sa cousine. Folle de rage,
celle-ci fait taire son père en le terrassant d'un terrible éclair magique. Tengrim
sort sa hache pour répondre à cette agression mais Blagothkus se méprend sur
ses intentions. Il abat son énorme étoile du matin devant lui faisant voler en
éclats la table et envoyant bouler le nain sur le sol. Le cri de Thullen au
chevet de son grand -oncle à la poitrine encore fumante retient son bras avant
le coup suivant. Le géant est d'autant plus décontenancé que son fils semble
implorer l'aide des humains qui ont surgi derrière le nain, Finnlay se
précipitant pour soigner le vieux géant de sa magie apaisante. Cressaro
parvient à tirer son seigneur en arrière pour le mettre à l'abri du combat et
Tengrim et Ildur en profitent pour attaquer Sansuri.
Sansuri |
Le
nain entame son assaut par un sort de silence qui prive la géante de sa magie,
permettant à Ildur de n'avoir à passer que les anneaux d'or de son armure pour
pouvoir la blesser. Sansuri lance un cercle de métal acéré sur Tengrim qui le
frappe violemment avant de rejoindre la main de sa propriétaire. La
concentration du nain est brisée par l'impact et la géante débarrassée de la
bulle de silence qui l'entravait en profite aussitôt pour activer ses défenses
magiques. Les dagues du ranger se retrouvent déviée de leur trajectoire par un
bouclier de force impénétrable tandis que les sorts de Finnlay sont dévorés en
plein vol par un essaim de miroitements qui emplit l'air autour de la géante.
La riposte de cette dernière est dévastatrice alors qu'un flot d'éclairs frappe
les humains présomptueux qui osent la défier. Tengrim se relève alors et
entonne le chant de bataille de Clanggedin. Jotunbane frémit d'impatience dans
sa main alors qu'il charge. Chacun de ses coups semble plus fantastique que le
précédent alors que les protections magiques de Sansuri volent en éclat.
Vaincue par la violence de l'assaut, elle interpose en vain son arme que
Tengrim lui arrache avant de l'abattre dans un râle victorieux.
Les
héros resserrent leurs rangs alors que les gardes ogres les encerclent mais
contre toute attente l'ordre qu'ils reçoivent n'est pas d'en finir avec les aventuriers
mais au contraire de mettre Sansuri aux arrêts.
La
géante inconsciente est emmenée, restreinte et bâillonnée par des entraves
d'or. Blagothkus est prêt à se montrer magnanime et à oublier l'intrusion des
héros dans son palais, à condition que les raisons de leur présence ne rallument
pas son courroux. Leurs tentatives pour le convaincre de renoncer à son
alliance avec le culte restent sans effet. Le géant n'a que faire des malheurs
des royaumes humains qui souffriront de la destruction qu'apporterait la
victoire des adorateurs de Tiamat. En revanche les allusions à la perte
d'influence de Rezmir au sein du culte semblent l'inquiéter davantage. Les
aventuriers s'engouffrent dans cette brèche et brossent un portrait calamiteux
de la wyrmspeaker, racontant avec quelle facilité ils l'ont vaincue et
discréditant complètement sa capacité à rallier les grands dragons à la cause
de Blagothkus. La déception du géant en apprenant qu'il a été berné n'a d'égale
que sa colère. Il ne veut plus entendre parler du culte, des humains ou des
dragons, et son amertume ne sera adoucie que quand tous auront été chassés de
sa forteresse. Il charge donc Cressaro d'organiser l'expulsion des cultistes et
les héros sont libres de se joindre à l'entreprise dont la garnison ogre se
chargera. Thullen remercie chaleureusement les héros d'avoir mis fin aux
manigances de Sansuri. Il va désormais essayer d'apaiser la fureur de son père
mais si à l'avenir les aventuriers ont besoin de son aide ils n'auront qu'à
souffler dans la conche qu'il leur confie pour que les géants répondent à l’appel.
Après
quelques heures de repos, les aventuriers sont prêts à reprendre le combat,
mais cette fois-ci c'est entourés d'une forte troupe d'ogres qu'ils attendent
que la grande herse qui les séparent de leurs nouveaux adversaires se relève.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire