jeudi 14 février 2019

Les Fantômes de la Tour d'Iniarv


Une aventure de Donjons & Dragons de niveau 8

Avec


Balak Charon Taâl dit le Crinti, le demi-drow dont l'élégance est mise à rude épreuve par le marais

Finnlay Galindan, Le druide qui oublie de se métamorphoser
Tengrim Copperplate, Le nain qui sait faire parler les vieilles pierres

Ildur Main d’Airain, Le ranger qui est parti à la recherche du druide disparu 



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La course d'Ildur laisse un sillon d'éclaboussures dans l'eau saumâtre du marais des morts. Hors d'haleine, il aperçoit enfin la pâle lueur rougeâtre du feu de tourbe du campement de ses compagnons, lui redonnant l'espoir de trouver du renfort pour faire face à ses poursuivants. Derrière lui cinq hommes lézards à la peau squameuse et grisâtre fendent la surface du marécage, la vase dans laquelle le ranger s'enfonce ne semblant absolument pas les ralentir. Anticipant l'arrivée de son ami, Tengrim se porte en embuscade pour intercepter les monstres qui sont à ses trousses. Lorsqu'il surgit du rideau des branches tombantes du saule derrière lequel il se cachait, aucune surprise ne s'affiche sur le visage reptilien de ses adversaires. Trois d'entre eux engagent immédiatement le combat en brandissant des armes rouillées probablement pillées dans l'un des antiques tombeaux qui constellent le marais. Malgré leur âge évident, leurs boucliers restent suffisamment solides pour dévier les coups de Jotunbane, les blasons à demi effacés qu'ils arborent rappelant les royaumes humains oubliés qui s'étendaient sur la région avant qu'elle ne soit avalée par les marécages.



Ildur attire les deux autres hommes lézards jusqu'au cœur de la petite ruine derrière laquelle le bivouac est installé. Il esquive leurs coups en les prenant à contrepied. Ses poignards avides volent de leurs fourreaux pour plonger dans la gorge du premier et alors qu'il expire sans un bruit, une étrange vapeur monte de son cadavre pour être aspirée par son comparse dont la vigueur redouble. Lorsqu'il tombe à son tour le même phénomène se produit et sa force vitale vient renforcer l'homme lézard le plus proche encore aux prises avec Tengrim. Un beuglement sinistre se fait entendre et aussitôt l'assurance habituelle de Bog Luck se décompose alors qu'il reconnait le cri du redoutable catoblépas. Il prononce le nom de la bête dans un murmure terrifié et tourne les talons pour disparaître dans la nuit. L'immonde créature émerge alors de la brume accompagnée d'une horrible odeur de charogne qui soulève le cœur du Crinti dans sa cachette. Obligé de relever la tête pour ne pas succomber à la nausée, il se retrouve nez à nez avec trois petites boules de lumières qui dansent au-dessus de lui. Il a tout juste le temps de se relever avant que les feux follets ne fondent sur lui, lui infligeant de cruelles brûlures. Plutôt que de tenter vainement de les détruire, il prononce une formule occulte qui le fait disparaître. Les feux follets zèbrent l'air autour de lui encore un instant, désorientés, avant de jeter leur dévolu sur Ildur qui paraît une cible bien plus facile. Ils tombent sur le ranger alors que celui-ci vient d'abattre le cavalier qui chevauchait le catoblépas sur lequel est également attaché Finnlay. Les attaques incessantes des lumineux morts-vivants l'empêchent cependant de continuer à venir en aide à Tengrim qui se trouve en fâcheuse posture après avoir eu le malheur de croiser le regard putréfiant du monstre. 


Un répugnant Catoblépas

Crachant encore la bile noirâtre qui lui a déchiré les entrailles, le nain recule face aux assauts du dernier homme lézard qui le défie encore de son trident édenté. Le prêtre qui mène la bande s'approche pour saisir les rênes du catoblépas et lancer d'un ordre atone ses derniers guerriers contre Ildur qui vient de mettre en fuite les feux follets peu habitués à affronter un adversaire capable de les blesser. Finnlay pendant ce temps luttait sans résultat pour essayer de se défaire de ses liens bien trop solides pour que ses maigres bras ne puissent les détendre. C'est donc avec une surprise non feinte qu'il se sent soudain glisser contre le flanc du catoblépas, ses liens tranchés ne le retenant plus. Cet instant d'étonnement donne malheureusement le temps au prêtre de s'apercevoir que son prisonnier s'échappe. Il invoque aussitôt trois squelettes qui surgissent de leur tombe boueuse pour tenter de s'emparer de Finnlay. Le demi-elfe échappe pourtant à leur étreinte en sautillant sur le dos du catoblépas. Agacé par ce remue-ménage sur son arrière train, la bête balaye le druide d'un revers de la lourde pointe osseuse de sa queue. 
A moitié assommé par le coup, Finnlay libère d'instinct un orbe d'acide qui explose à la face du prêtre. Ses écailles grisâtres grésillent là où la substance corrosive les recouvrent mais malgré la douleur qu'une telle blessure doit lui infliger, aucune émotion ne se lit sur sa face inhumaine. En réponse il pointe un doigt orné d'un anneau couvert de symboles de Myrkul, le dieu de la mort disparu pendant le temps des troubles, et un rayon de pure énergie nécrotique frappe Finnlay, consumant une bonne partie de sa force vitale. Alors que L'homme lézard va réitérer son geste pour achever le druide, son anneau lui est soudain arraché par la main invisible du Crinti qui, à peine réapparu, disparaît à nouveau en quelques bonds derrière un des arbres morts qui pourrissent autour d'eux. Tengrim rejoint alors la mêlée en pulvérisant les squelettes qui s'avançaient vers Finnlay, laissant les mains libres au druide pour invoquer un nouvel orbe chromatique qui brûle cette fois ci le flanc du catoblépas qui s'emballe sous l'effet de la douleur. Tengrim lui loge encore un coup alors qu'il se cabre, mais c'est une flèche d'Ildur qui abat le monstre, après que le ranger se soit débarrassé des trois hommes lézards qui avaient tenter de le déloger de sa position. Désarçonné le prêtre en profite pour plonger sous l'eau noire du marais à l'abri de laquelle il parvient à s'enfuir, suivi de ses feux follets dont l'invisibilité n'empêche pas le Crinti de les détecter par l'entremise de son anneau nouvellement acquis. 

Un anneau de Myrkul

Craignant que l'homme lézard ne revienne avec des renforts, les aventuriers décident de lever le camp dès les premières lueurs de l'aube. Ildur a pris suffisamment d'assurance dans les marais pour les guider jusqu'à l'ancienne route dont le tracé submergé par l'eau saumâtre reste bien plus praticable que les marécages qui l'entourent. D'après les maigres indications de Bog Luck, Château Naerytar ne devrait pas se trouver très loin. C'est donc sans surprise qu'ils découvrent les hauts murs d'une antique redoute qui se découpent dans la brume au sommet d'un promontoire à quelque distance de là. La journée tirant à sa fin, ils gardent une certaine prudence et rebroussent chemin pour établir leur campement hors de vue des éventuels habitants du lieu. 
Le lendemain ils reprennent leur approche, enveloppés d'un manteau de brume contrôlé par Finnlay. Se sachant ainsi indétectable, le Crinti relâche sa vigilance et prend quelques libertés avec les consignes de marche d'Ildur et se retrouve presque aussitôt en difficulté. Le temps que ses compagnons comprennent ce qui se passe, il s'est déjà enfoncé jusqu'à la taille dans le piège des sables mouvants. Les tentatives pour l'en sortir en lui lançant une corde ne font qu'aggraver les choses et sa situation semble tout à fait désespérée quand Finnlay parvient enfin à se connecter à l'esprit du marais pour forcer la boue à recracher sa victime. Le Crinti remonte alors lentement à la surface, couvert de vase jusqu'au menton. Le druide fait profiter de sa trouvaille à tout le groupe qui peut alors galoper sans encombre à la surface des eaux troubles jusqu'au pied du château. 



Le pont levis en est remonté et l'entrée est donc inaccessible. En revanche une large brèche dans le flanc de la muraille permet de passer dans la cour intérieure dévastée. Même si ces dégradations semblent très anciennes Tengrim remarque immédiatement qu'elles sont le résultat d'une attaque particulièrement violente qui a éventré les fortifications depuis l'extérieur. Le Crinti frissonne un instant en imaginant quelle créature a pu laisser des marques de griffes aussi profondes dans la pierre et surtout quelle bile odieuse a ainsi rongé les créneaux derrière lesquels ont vainement tenté de se protéger les défenseurs du lieu. Ildur continue la fouille des ruines qui sont bel et bien abandonnées. Il semble qu'une sorte de crypte soit creusée sous le donjon, mais l'escalier qui y mène est barré d'une lourde grille d'acier derrière laquelle des tonnes de gravats ont été entassés pour définitivement empêcher quiconque de pénétrer dans le sous-sol. A la recherche d'indices sur les évènements qui se sont déroulés dans cet endroit, le Crinti arpente la cour et finit par y déterrer un vieux casque mangé de rouille sur lequel on distingue encore le symbole sacré de Heaume, le dieu des gardiens. L'objet ne semble plus avoir aucune valeur et le demi-drow le jette sans autre forme de procès. Mais comme le casque roule sur le sol, un étrange écho s'élève autour des aventuriers, comme si la muraille s'écroulait à nouveau dans un fracas assourdi. Puis ce sont des cris de terreur et de sanglants bruits de bataille qui se répercutent dans toute la cour. Une angoisse suffocante les étreint alors que les fantômes de la garnison heaumite revivent les tourments de leur violente agonie sous leurs yeux impuissants. Grâce à l'anneau de Myrkul qu'il porte au doigt, le Crinti parvient encore à trouver son souffle au milieu des visions des guerriers qui se dissolvent sous un torrent d'acide fumant et il est le seul à entendre l'ultime supplique que le capitaine des prêtres défunts lui adresse :

 "Pourquoi nous avez-vous abandonnés ? Pourquoi avez-vous cru le dragon à double face ? Pourquoi ne venez-vous pas nous délivrer ?" 


Les prêtres sans repos du dieu des gardiens

Cette dernière parole sonne comme un coup de poing à l'estomac pour le Crinti qui tombe à la renverse contre ses compagnons. Encore tremblants de l'effroi surnaturel qui les a saisis, ils sont à nouveau seuls dans la cour vide. Quoiqu'ils commencent à douter sérieusement qu'un lieu hanté comme celui-ci puisse être le repaire du culte du dragon dans la région, ils décident de finir quand même leur exploration pour en avoir le cœur net. Tengrim découvre la marque du bâtisseur de la tour qui avait été érigée pour le compte d'Iniarv, l'archimage royal de l'antique principauté d'Uthtower qui selon la légende fut celui qui déchaîna la magie destructrice qui noya la région sous les flots et qui est encore aujourd'hui responsable de l'avancée du marais vers l'intérieur des terres. A l'étage ils découvrent les restes de la chapelle où les prêtres de Heaume priaient leur dieu. En dehors de l'autel recouvert de mousse il n'en reste quasiment rien, la toiture en ayant été arrachée il y a bien longtemps, livrant le lieu de recueillement aux ravages des intempéries. Les aventuriers sont sur le point de faire demi-tour quand une voix sortie de nulle part les interpelle :

 "Eh bien voilà qui est surprenant, les visiteurs ne s'attardent pas d'habitude après avoir assisté à un tel spectacle. C'est que vous devez avoir des choses bien importantes à accomplir pour ne pas avoir détalé. Alors, que venez-vous donc chercher dans mon marais ?"


Une menace sourde emplit ces derniers mots, mais le Crinti y répond de son meilleur ton de commerçant, sans laisser paraître la moindre trace d'inquiétude face à leur invisible interlocuteur. Choisissant d'opter pour une certaine franchise savamment dosée d'omissions, il annonce qu'ils sont à la recherche de Château Naerytar dont la propriétaire doit leur rendre quelques comptes. A l'évocation de Rezmir, la voix désincarnée se fait plus sifflante et le demi-drow comprend sans peine qu'un contentieux certain pèse entre eux. Elle ne tarde donc pas à leur proposer un marché, elle peut les mener à leur destination et même leur fournir la garantie de se faire des alliés sur place. En échange elle ne veut qu'une chose toute simple, que les héros lui rapportent le crâne de Chardansearavitriol, l'ancien maître du marais des morts qui aurait réussi à transcender sa forme de dracoliche pour accéder à la divinité. 
Un disque de tissu d'un noir insondable apparaît alors dans l'air et flotte doucement vers le sol tel une feuille morte. Il se déroule sans bruit sur les lattes moisies du plancher et lorsque le dernier pli de la soie disparaît le cercle parfait de l'étoffe fait place à un impossible gouffre sans fond subitement creusé à travers la structure de la tour. L'inquiétante voix reprend alors : 

"et quand vous aurez mis la main sur les ossements colossaux de mon prédécesseur, voici de quoi me les rapporter. Glissez les dans ce trou portable, une fois replié il ne pèsera guère plus qu'un poids insignifiant qui devrait bien être à votre mesure" 

Piqué par ce ton condescendant, le Crinti tente de renverser le cours de la négociation en répliquant sur le même registre arrogant. Mais sa manœuvre ne parvient qu'à vexer son interlocuteur qui écrase définitivement ses espoirs de reprendre l'ascendant en révélant sa véritable nature. Le bout de ciel pâle découpé dans la toiture arrachée de la tour est alors totalement obscurci par la titanesque silhouette d'un dragon noir perché juste au-dessus d'eux. De longs filets d'acide fumant dégoulinent entre ses crocs alors qu'il abaisse sa face squelettique sur laquelle brûle une rage froide.


Voaraghamanthar se révèle
La terreur que cette vision instille dans le cœur des héros coupe net leurs velléités de contestation alors que le terrible Voaraghamanthar leur rappelle de sa voix sifflante que leur survie n'est qu'un effet de sa bonté et que s'ils ne savent pas lui être utile, il trouvera aisément à les remplacer maintenant que la nouvelle route s'apprête à déverser un flot continu d'aventuriers en quête de trésors dans le marais. Seule la perspective qu'ils aillent compliquer les plans de Rezmir le pousse à leur offrir une deuxième chance d'accepter ses conditions. Pesant rapidement le pour et le contre de la situation, les héros prennent le risque d'accepter le marché, en espérant que leur inquiétant allié de circonstance tiendra sa parole et ne leur réservera pas le même sort qu'aux malheureux Heaumites qui hantent encore les ruines de la Tour d'Iniarv. 


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