dimanche 11 octobre 2020

La Souricière



Session Star Wars #48


Date : 28-Sep-2020


Avec :

Le Commandant Hyabu, à la recherche d’un bon vaisseau à « emprunter »

Meera, qui met la main sur un ancien symbole

Aqualto Fudah (‘Alto’), qui doit gérer des flux de Force envahissants

Zayne Bentaroo, qui tient à merveille son rôle d’officier impérial



Lieu(x) :

Planète Alioren, secteur de Bormeo



Sur le pont principal d’un croiseur flambant neuf de classe Vindicator. Face à baie vitrée du pont. Une ombre, immense, contemple le spectacle d’une planète ravagée, dont le cœur même est inlassablement rongée par des machines cyclopéennes. Un officier en tenue claire, hésite semble prendre son courage à deux mains et finit par s’approcher de l’ombre noire. Il toussote, gêné :


« Seigneur Vador, cette opération est entièrement sous mon commandement, je ne comprends pas cette convocation, je suis surpris que vous preniez la direction de... Et j’insiste, à quel genre de force risquons-nous d’être confrontés, nous pourrions subir des dégâts importants, voire… perdre quelques croiseurs…. J’en réfère directement au Sénat et à l’Empereur lui-même. Cette prise de risque me semble en réalité suicidaire et je me dégage officiellement de toute…. 

- Vos histoires de croiseurs ne m’intéressent pas, Vice-Amiral. Disposez.

- Mais… Je… ».


Une autre forme s’est approchée sur le pont, déterminée. Le Vice-Amiral Alpiett Gredge, à ses côtés, semble disparaître, et il se congédie de lui-même, livide, sans un mot.


« Alors… Seigneur Gallen ?

- Tout est en place mon maître. 

- Nos invités seront-ils tous au rendez-vous ?

- Oui, tous, mon maître. L’agent rebelle est arrivé sur Alioren depuis deux jours, et comme vous le souhaitiez, nous ne l’avons pas encore arrêtée. Nous avons quitté l’hyperespace il y a quelques heures à peine. Cette précaution prise et le brouilleur activé, à aucun moment elle ne peut s’imaginer que notre flotte est en orbite. Quant à la Reine Pirate, elle a bien reçu sa cargaison, elle est en mesure d’arriver jusqu’à nous. Et comme vous l’aviez prévu, l’arme est toujours à son bord. 

- Elle s’en sert bien mal… 

- Oui… mon maître. Mais vous ne pourrez pas à la fois capturer l’agent Fulcrum et vous emparer de l’arme… Monseigneur. 

- C’est pour cela que je m’occuperai personnellement de l’arme. Quant à vous, Seigneur Gallen, il est temps de montrer votre valeur. Vous irez vous poster sur la station spatiale. Et vous vous chargerez personnellement de Fulcrum, et ce dès que sa petite intervention nous aura révélé quels sont les traitres que cet incapable de Siennar n’aura pas su voir.

- Moi… mon maître ? L’Agent Fulcrum ? Je saurai me montrer digne de cet honneur Monseigneur. Je vous ramènerai sa tête sur un plateau.

- Ah oui, Seigneur Galen…? »


Gallen se relève, tourne les talons et s’éloigne. Sans se retourner, un peu plus fort, la voix de Vador résonne. Gallen se fige. 


« Gallen… Cette pathétique propension qui est la vôtre à être surpris par les évènements explique à peine votre lamentable échec sur Kashyyyk… Je ne me montrerai pas aussi clément cette fois-ci. »




Concentrée sur les méandres de la Force, en préparation d’une confrontation inévitable, Alto sent son esprit divaguer vers des souvenirs enfouis. Une Toygruta, penchée sur Alto… Quand elle était encore un bébé ou une jeune enfant ? La femme la surplombe avec dans son regard un mélange de gravité et de douceur mélangées. Cette vision pourrait être sereine, mais une ombre menaçante se devine en arrière-plan, l’ombre de la silhouette de Vador qui absorbe petit à petit la scène. La vision d’Alto s’interrompt brutalement, face à la lumière crue du sabre laser bleu de Zayne. Le jeune padawan fait tournoyer sa lame et terrasse trois stromtroopers d’une passe d’arme tournoyante. Sortant de sa torpeur, Alto dresse à son tour son sabre sous le visage du Lieutenant Skiff en découpant son pad au passage, tout en lui intimant l’ordre de ne pas esquisser un seul geste. Meera clos la séquence en abattant les deux derniers soldats impériaux. 


La vision d'Alto.



Tout a été si rapide, Clark Dass et Fenwep Vedjsont sont sous le choc : des Jedis parmi le groupe ? Un enthousiasme féroce les envahit subitement, le succès de la mission leur semble d’ores et déjà assuré… l’adrénaline submerge Clark Dass, il se dirige avec un œil mauvais vers Skiff, mais Alto arrête net son mouvement en paralysant Skiff de son blaster. En la fouillant, Zayne dégote un programme de la journée sur le salon impérial, bien utile pour essayer de mieux planifier les actions à venir ! Deux corps de soldats sont camouflé dans la grande caisse du groupe, sous les blisters de nourriture, tandis que les autres sont remisés dans des caisses vides du hangar. Skiff, ligotée et anesthésiée, rejoint également une caisse en attendant des jours meilleurs.


L’esprit fertile du groupe imagine un plan d’action une fois que la nourriture – a priori, la seule porte d’entrée du groupe – aura été convoyée sous le dôme. Les armures de stormtroopers pourront servir à la fois de leurres pour les enquêteurs sur le lieu de l’explosion et d’échappatoire pour le Colonel Vendix, tandis que les sabres des padawan permettront de creuser un accès vers le bas sous couvert de fumigènes et explosifs… Il restera à faire la jonction avec l’agent Fulcrum, dont Clark Dass dévoile un symbole qu’elle utilise fréquemment. Étudiant de plus près ce logo, Meera y reconnaît le signe de la 501ème division clone, cette division d’élite qui était dirigée par Anakin Skywalker et Ahsoka Tano. Au passage, on note également que les soldats abattus portent une version plus récente de casques, et Meera – alias AI-3333 – et Alto – alias BI-2321 – se retrouvent subitement connectés au flux constant des communications internes de la base.


Le programme du Bal d'Alioren.


Il est 12:30. On laisse les deux logisticiens Dass et Fenwep dans le hangar avec la caisse « reconditionnée », tandis que le reste de la troupe veut repérer le chemin de fuite sous le dôme vers le tarmac de l’astroport sommaire. Dans un grand hall, Zayne, assisté par Meera, s’escrime sur la console d’un terminal pour finalement dénicher un ancien plan de construction de la base. Quelle étrange troupe… surtout ce stromtrooper qui semble donner des instructions très directes à son lieutenant… mais au moins, le plan se révèle très utile. Engagé le long d’une grande coursive vitrée sous le dôme et donnant sur le tarmac couvert de vaisseaux divers, la troupe se dirige vers le vestiaire n°58. Là, deux xénos sont affairés à récupérer les vêtements des derniers voyageurs retardataires du salon, tout en distribuant des invitations pour la corporation Ritani. Comme prévu sur le plan, une porte discrète au fond du vestiaire donne sur des couloirs de service inusités depuis des décennies et permettant d’accéder au sous-bassement du dôme, ainsi qu’à des escaliers donnant directement sur le tarmac. Une voie de sortie pertinente semble donc bien exister dans le cadre du plan imaginé par l’équipage.


Les deux stormtroopers BI-2321 (Alto) et AI-3333 (Meera) font le pied de grue devant le vestiaire n°58, face à un stand de nourriture et de thé en attendant le retour de leur lieutenant et de son sous-officier des services techniques... Dans les communications générales, on s’étonne de l’absence du lieutenant Skiff, mais très vite la voix du Colonel Vendrix, d’un ton sans appel, indique qu’elle est occupée ailleurs et qu’il est inutile de la rechercher. Après quelques minutes, Meera a la surprise de recevoir un appel direct du Colonel Vendrix, qui indique d’un ton sec que le nouvel enseigne de Ozzel se dirige actuellement vers le hangar et qu’il faut bien veiller à l’accueillir comme il se doit. Meera sonne le rappel des membres du groupe pour un départ en urgence vers le hangar et sa bien gênante caisse. Prenant contact avec Clark Dass pour savoir, au travers de phrases codées, si « tout est sous contrôle », Zayne perçoit une étrange interférence dans son comlink et Meera envisage alors la possibilité que toutes les communications soient interceptées. Une prudence extrême est désormais de mise. 


Sur le chemin du retour, Hyabu observe tant bien que mal les vaisseaux abandonnés sur le tarmac, et ses yeux s’arrêtent un instant sur un Pathfinder… Luxe, rapidité, neuf… autant de qualités qui le font rêver l’espace d’un instant, mais le groupe doit poursuivre rapidement dans la direction du hangar. Sur le canal général de la base, Alto et Meera perçoivent l’annonce de l’arrivée inopinée d’un vaisseau avec une personnalité spéciale sur la plateforme 48B d’ici une heure, annonce qui semble déclencher une certaine agitation… Puis c’est l’enseigne d’Ozzel, le Capitaine Garaï, qui prend contact avec Meera. Le remplaçant de Tannen demande d’un ton doucereux un rapport de la situation, l’absence du lieutenant Skiff et de son escorte lui semblant suspicieuse. Meera prétexte que le lieutenant Skiff a envoyé les soldats au hangar 48B pour la présentation d’arme qui y est prévue. En maugréant, Garaï commente qu’il sera sous peu au hangar pour prendre possession de la caisse…


C’est désormais au pas de course que le groupe rejoint la zone de stockage pour tirer Clark Dass et Fenwep Vedj du mauvais pas qui se présente à nouveau dans ce hangar prompt à attirer les ennuis. Devant la porte, le Capitaine Garaï et son escorte – 6 soldats, 2 lieutenants et 2 stagiaires assidus – sont en train de procéder à l’enlèvement de la caisse, sous le regard nerveux des deux rebelles. Interrompant la scène, Zayne oppose des ordres stricts et formels du Colonel Vendrix, plongeant Garaï dans une certaine confusion. Alto s’engouffre dans la brèche et manipule l’esprit du Capitaine par la Force pour y imprimer d’un ton péremptoire les ordres de Zayne – suscitant à son tour une certaine confusion parmi les membres de l’escorte qui comprennent mal comment ce stormtrooper insolent arrive à contraindre leur supérieur... 


Une fois de plus, le groupe entame donc sa montée vers le dôme, en suivant « docilement » le Capitaine Garaï, qui a laissé son escorte au niveau des ascenseurs d’accès. Le salon suit son cours, entre méga-présentations et activité sur stands. Personne ne remarque ce groupe escortant une caisse anonyme vers la zone des cuisines, au sein du vaste ilot central de restauration. La nourriture y est déposée, au grand regret de Hyabu… Puis, le Capitaine Garaï, toujours confus, amène les membres de l’équipe vers le stand du COMPORN, et les abandonnent là avec le sentiment du travail bien fait. Le groupe peut maintenant amener la caisse et son dangereux contenu – cadavres, armures et explosifs – dans l’arrière salle du stand, où les démonstrateurs du stand prennent quelques minutes de repos entre deux sessions de présentation sur scène. 


Sur le tarmac, sous le Dôme.



Dans cette arrière salle commence alors une longue attente, car le Colonel Vendrix ne se trouve nulle part dans les environs. Alto et Meera suivent le monotone déroulé des annonces générales dans leur casque, prenant note que la présentation d’arme au dock d’arrivée 48B est finalement annulée. Le mystérieux visiteur souhaiterait-il donc une arrivée discrète… ? Finalement, décision est prise d’utiliser le canal ouvert entre Meera et Vendrix pour contacter le Colonel, prétextant la nécessité de sa présence pour une inspection à mener sur le stand. Le Colonel accuse réception de l’information, sans commentaire superflu. Il faut à nouveau attendre, sans aucune information de la part de l’officier. 


Pour tromper l’ennui ou la nervosité grandissante, Meera et Alto sortent patrouiller le long des baies vitrées attenantes au stand. Meera en profite pour scruter le tarmac. En dessous de leur position se trouve un vaisseau cargo nommé « le Vaillant » qui « pourrait faire l’affaire »… Meera porte alors son regard sur un vaisseau voisin, un transport léger corellien de classe Rigger, « le Twillight ». L’apparence du vaisseau, son armement, ses modifications évidentes, la présence discrète de l’équipage à bord, des pieds posés nonchalamment sur le tableau de bord du vaisseau dans une douce pénombre… tout suggère des contrebandiers bizarrement échoués sur Alioren. Et puis c’est la révélation : sur la coque, partiellement effacé par le temps, le symbole de la 501ème division, le symbole de Fulcrum… ! Satisfaite, Meera ne remarque que tardivement la posture subitement figée d’Alto, car c’est un tout autre spectacle que la jeune Mirialan a remarqué : descendant vers la base, la noire silhouette de la navette de Galen, déjà aperçue sur Kashyyyk… Déclarant qu’il faut absolument prévenir le reste de l’équipage, Alto fait vivement demi-tour et se dirige à nouveau vers le stand.


Le symbole de Fulcrum.



Cette nouvelle information laisse de marbre le Commandant Hyabu : il faut suivre le plan à la lettre. Tant que le groupe ne montre aucun signe d’agitation, il ne pourra rien arriver. L’attente reprend alors, chacun tentant au mieux de faire le vide dans son esprit. Soudain, le Colonel Vendrix annonce « 17 minutes » dans le casque de Meera. Alors, l’équipe se prépare, les pièces d’armure sont sorties de la caisse pour être entreposées discrètement dans un coin, et Fenwep Vedj prépare, puis pose ses détonateurs. Un verre à la main, Hyabu sort à son tour de l’arrière salle pour scruter avec attention l’activité dans la grande salle du dôme. Quelque chose dans l’atmosphère a changé… Il lui faut un peu de temps pour noter que chaque porte d’accès est désormais gardée par deux stormtroopers nerveux. Des officiers faussement en goguette patrouillent dans la foule, la main sur le holster. Puis, Hyabu voit enfin le Colonel Vendrix traversant – seul – la salle. 


Hyabu réintègre l’arrière salle pour annoncer le dénouement à venir. Chacun se prépare mentalement, en tension. Cherchant à détendre Zayne, Meera lui lance quelques compliments sur ses actions du jour. Au moment où elle veut s’approcher de Zayne pour se permettre – qui sait ? – un geste de tendresse, Alto s’interpose devant son « frère » et déclare d’une voix blanche « Il est là, Galen est là… ». 

mardi 6 octobre 2020

L'Emporium Itinérant




Une aventure de Donjons & Dragons de niveau 11

 

Avec

 

Finnlay Galindan, Le druide qui refuse de risquer son âme


Tengrim Copperplate, Le nain dont la hache vaut une fortune

 

Kri Shanu, Le moine qui se régale du thé de Mahadi

 

Balak Charon Taâl dit le Crinti, Le demi-drow qui apparaît de nulle part


Ildur Main d’Airain, Le ranger qui passe pour un adorateur de Tiamat

 

 

 

« Bienvenue mes amis, bienvenue à l’Emporium Itinérant ! », déclame Mahadi. 



« Vos visages ne me sont pas familiers, j’en déduis que c’est votre première visite. Ici vous trouverez tout ce qu’il faut pour contenter de hardis voyageurs tels que vous. Votre machine de guerre a besoin de réparations ? allez voir Slagg la salamandre à la forge de Firesnake ; vous voulez donner un petit coup de fouet à votre chaudière ? Elliach vous fournira tout l’Ichor qu’il vous faudra ; il vous manque des composants pour alimenter vos prouesses arcaniques ? Slovashi l’Arcanaloth saura vous trouver tout ce dont vous avez besoin ; vos rituels sont trop gourmands en âmes perdues ? vous en trouverez d’excellentes à la ferme aux larves de Z’neth ; à moins que ce soient les méandres de l’avenir qui vous inquiètent ? Madame Xamnu vous éclairera alors de ses fantastiques prédictions ; vous êtes ici pour affaire ? Freh’talha et ses diablotins d’Avernus Express pourront certifier tous vos contrats et en livrer des copies aux quatre coins des enfers ; d’ailleurs êtes-vous sûrs d’avoir la tenue adéquate pour vos rendez-vous du moment ? les cuirs de Grabool vous rhabilleront de la tête au pied et les parfums envoutant du Repos de la Rose raviront vos futures conquêtes ; et bien sûr pour vous remettre de votre périple, quoi de mieux qu’un séjour dans mon humble établissement ? Au Délice Infernal vous attendent les mets les plus succulents accommodés à votre goût, les créatures les plus sublimes qui vous enchanteront de leur compagnie, les bains les plus relaxants, les lits les plus douillets et les spectacles les plus divertissants, tout cela et bien plus est à portée de votre main ici même à l’Emporium Itinérant ! »

 

Les aventuriers pénètrent donc avec une certaine méfiance dans le dédale de tenture car si la règle de neutralité et de non-violence édictée par Mahadi semble respectée par tous, les visiteurs de l’Emporium ne sont pas des plus engageants. Ici une bande de mercenaires Nycaloths s’adonne au bonneteau proposé par un croupier tiefling aux yeux ophidiens, là l’équipage de gobelins et de derros du Blooreaver s’égaille autour de son capitaine, un Illithid borgne aux tentacules faciaux frémissants, plus loin encore c’est un sculptural minotaure aux cornes d’airain qui cherche Mahadi. Tandis que le reste du groupe continue son chemin vers le délice infernal, le Crinti décide de suivre le minotaure. Celui-ci est venu acheter de rarissimes onguents extra-planaires pour le compte de son maître Arkhan le Cruel. 


Torogar Steelfist


Une fois son affaire conclue, il enfourche sa machine de guerre personnelle dont la selle est suspendue à une unique boule d’or gravée de prières abyssales à la gloire de Tiamat. Dissimulé derrière une tenture, le Crinti tente de dérober le précieux coffret de remèdes en manipulant sa main de mage à distance. Mais la boîte est juste un peu trop lourde et elle tombe à terre au moment où la chaudière de la machine commence à rugir. Le minotaure s’en aperçoit et la ramasse en maugréant contre sa maladresse, inconscient de la tentative de chapardage du demi-drow.


Avant de rejoindre ses compagnons, le Crinti fait le tour des boutiques pour trouver de quoi se revigorer. Slovashi l’Arcanaloth n’a pas de potion qui combatte les effets de la fatigue infernale mais il a en revanche de belles histoires à raconter sur les artefacts que portent les héros. Jotunbane par exemple pourrait leur rapporter un pactole en denier d’âmes s’il la vendait au « croqueur de nain » le diantrefosse de la 748ème légion de Zariel qui adorerait corrompre une arme sacrée de Clanggedin contre lequel il garde une rancune tenace depuis que le père des batailles lui a arraché les cornes de manière définitive lors de la tentative manquée de putch de Laduguer, le dieu des Duergars, contre Moradin sur les pentes du Mont Céleste. 


Slovashi l'Arcanaloth


Les masques du dragon en revanche n’ont de valeur qu’aux yeux des suivants de Tiamat car ceux-ci ne sont pas de véritables objets que l’on peut posséder mais plutôt des émanations de la déesse incarnées dans ces reliques qui tôt ou tard reviendront à la substance divine qui les a engendrées. Le Crinti poursuit ses emplettes infructueuses au Repos de la Rose où les automates squelettes au front couronné de roses fanées tentent de lui vendre leur fameuse gamme tonifiante de cosmétiques qui pourront au moins cacher les effets de la fatigue à défaut de la faire disparaître.

En effet il n’y a qu’un seul endroit où l’on peut trouver le répit suffisant pour se requinquer, celui-là même où pénètrent enfin les autres héros. Au bout d’un long couloir bordé de lourds rideaux de velours, ils découvrent un somptueux hall de réception où les convives du Délice Infernal peuvent patienter sur des banquettes garnies de moelleux coussins de soie en sirotant les exquis breuvages concoctés par la maison avant d’emprunter le monumental escalier de marbre qui les mènera aux plaisirs sur mesure qui les y attendent. Les aventuriers sont accueillis par une tiefling aux cheveux ondulants qui leur offre les boissons idéales auxquelles leurs jetons de bienvenue leur donnent droit. Pour pouvoir profiter plus avant du délassement promis, il faut en revanche devenir membre de l’établissement, ce qui ne requiert qu’une simple goutte de sang pour signer et approuver le règlement du lieu. La formalité semble dérisoire pour enfin être soulagé de la sourde fatigue qui s’accroche à eux depuis leur arrivée en enfer, mais il y a une clause inscrite en minuscules caractères qui reste inacceptable pour les héros : « en cas de défaut de paiement immédiat à l’issue de la fourniture des services demandés, l’âme du contrevenant sera perdue au profit seul et entier de Mahadi »

A regret, Ildur suit donc ses compagnons outragés vers la sortie où les rugissements qui avaient un instant quitté son esprit accablé reprennent de plus belle sous le ciel rouge de l’Avernus. Le Crinti les retrouve alors et les supplie de le débarrasser des deniers d’âme qu’il a réussi à obtenir de la vente de la chaudière de leur deuxième machine de guerre. Les gémissements incessants des âmes torturées emprisonnées dans les étranges pièces sont effectivement difficilement supportables et ne font qu’aggraver l’inconfort que le demi-drow a déjà hérité des pérégrinations de son alter ego. Il les amène ensuite sur les traces de Torogar Steelfist dont la roue a marqué au fer rouge le sable de la dune d’un chemin de prière qui semble mener droit vers Tiamat. Ildur écarquille les yeux en découvrant que les incantations ainsi gravées dans le sol lui sont plus que familières. Il n’a pas besoin de les lire car il les connait déjà par cœur et leur rythme entêtant lui martèle le crâne tout le long du chemin que ses amis ont décidé de suivre jusqu’à la lisière des zones administrées par Zariel, au bord du no man’s land qui délimite le territoire de Tiamat. Au milieu de la plaine de cendres déserte qui s’étend au pied des montagnes sculptées comme des crânes de dragons, se dresse une unique tour de basalt dont le sommet se déchire en cinq griffes vertigineuses au-dessus desquelles tourne la silhouette d’une colossale dracoliche blanche. C’est pourtant vers la porte de ce sinistre monument que mène la piste de Torogar. La machine des aventuriers s’avance au pas dans la plaine, les hurlements des âmes qu’elle consume brisant l’étrange silence de ces lieux où même les légions de Zariel ne mettent pas les pieds. Finnlay interpelle alors ses amis car les étranges silhouettes ailées qu’il avait repérées en haut de la tour viennent de s’en décrocher pour plonger vers eux. Leur vol rappelle un peu celui des draconiens que le Grand Observateur avait créés dans les catacombes d’Elturel, mais ces créatures semblent bien plus féroces comme si les minions de Thavius Kreeg n’avaient été que les ébauches de ces démons draconiques. Ildur s’avance vers les abishaiis qui les encerclent en mettant bien en avant les poignards maudits qu’il porte à la ceinture. Prétendant être un émissaire du culte du dragon, il réclame audience auprès d’Arkhan le Cruel. Les démons hésitent un moment à accéder à sa demande mais quand le Crinti brandit son anneau de Myrkul en déclarant que le dieu des morts soutient cette requête, ils hochent la tête et conviennent de laisser Krull le nécro-prêtre décider de leur sort. Ils mènent donc les aventuriers jusqu’à la haute porte de bronze verdie par le temps contre laquelle ils frappent le lourd heurtoir sculpté en forme de tête de dragon. 


Krull le nécro-prêtre

Les battants s’entrouvrent pour laisser passer un étrange individu, une sorte d’homme-tortue aux écailles grises et à la carapace en pointe gravée de symboles sacrés de Tiamat et de Myrkul entremêlés. Il dévisage les nouveaux venus avec un air impatient et leur annonce qu’Arkhan ne reçoit personne en ce moment car il est souffrant. Il a en revanche donné tout pouvoir à Krull pour traiter les affaires courantes. Celui-ci écoute donc distraitement les mauvaises nouvelles qu’apportent les aventuriers sur les revers qu’a subi le culte dans ses plans sur Toril. Agacé par les détours précautionneux de leur récit, il finit par leur couper la parole. Leur plainte a bien été entendue, Tiamat enverra des renforts massifs pour finaliser les préparatifs de son arrivée sur le plan matériel et maintenant ils peuvent prendre congé car Krull doit retourner prodiguer ses soins à son maître.

 

Les héros laissent derrière eux la tour solitaire dans un silence un peu gêné. Finalement Tengrim se racle la gorge et propose qu’on aille enfin voir ce qui se trame du côté de la colline d’Haruman, ce à quoi ses compagnons acquiescent rapidement pour se redonner une constance. Le chemin du retour est méconnaissable alors que le trajet est identique. Les ruines des palais au bord du Styx font place à une antique route aux pavés défoncés qui serpentent jusqu’au sommet d’un éperon rocheux qui surplombe le fleuve. Les bas-côtés sont plantés d’étranges arbres métalliques dont les branches acérées retiennent les corps meurtris des anciens Hellriders qui avaient tourné bride dans le désastre de la croisade. Au-dessus de chacun d’eux est cloué un écriteau portant le nom du croisé et le crime qui l’a conduit à ce supplice. Parjure, déserteur, lâche, traître, tels sont les épithètes qui se déclinent au long du chemin. Chaque arbre en cache d’autres qui ne se révèlent que quand on s’approche et ces rejets portent les fruits du serment brisé des Hellriders, fils de parjure, petit-fils de déserteur, arrière-petit-fils de traître ; les descendants des fuyards partagent le péché de leurs aïeux. Tous sont couverts de plaies sanguinolentes auxquelles s’abreuvent de répugnantes créatures boursoufflées qui s’envolent à l’approche de la machine de guerre infernale pour aller se réfugier vers le plus grand des arbres qui domine tous les autres au bout de la route. 




Les héros suivent le chemin que le vol des striges dessine au-dessus d’eux et bientôt ils arrivent au pied de l’arbre qui porte le plus honni des suppliciés, celui qui donna l’ordre de fuir et referma le portail derrière lui, le plus vil des couards qui fut jamais, le pitoyable Jander Sunstar. Encore prisonnier de son armure de général des Hellriders, l’elfe au teint blanc de craie et aux canines proéminentes ressemble ainsi à Sandesyl et ses minions. Pourtant son regard éperdu de douleur n’évoque que la plus terrible des pitiés aux héros. Tour à tour les striges se posent sur son cou pour y plonger leurs longs becs pointus et y régurgiter leur sanglant festin. Ainsi régénéré de force, Sunstar retrouve un instant sa lucidité pour contempler la déchéance vers laquelle il a entrainé tous ses frères d’armes, avant que les torsions des branches aiguisées ne le renvoient dans les affres insondables de son châtiment. Une nouvelle injection le ramène à la conscience juste assez longtemps pour qu’il aperçoive les héros et les implore de mettre fin à son supplice. Tremblant, Ildur pointe alors vers lui le narguilé enchanté de Mad Maggie. Il crie le nom de la guenaude et aussitôt la forme de Sunstar se trouble et se décompose en un tourbillon de fumée qui se retrouve aspiré dans le ventre de verre du narguilé. Le ranger n’a qu’un instant pour y voir disparaitre dans les volutes le visage éploré de l’elfe, avant qu’une lourde cavalcade ne vienne marteler ses tympans. Tengrim tente de redémarrer leur machine mais tout autour d’eux de nouveaux arbres surgissent du sol et soulèvent l’engin hors de la route tandis qu’un premier écriteau assène son implacable accusation : « Ildur Main d’Airain, Voleur ! »