Une aventure de Donjons &
Dragons de niveau 11
Avec
Finnlay Galindan, Le druide qui refuse de risquer son âme
Tengrim Copperplate, Le nain dont la hache vaut une fortune
Kri Shanu, Le moine qui
se régale du thé de Mahadi
Balak Charon Taâl dit le Crinti, Le demi-drow
qui apparaît de nulle part
Ildur Main d’Airain, Le ranger qui passe pour un adorateur de Tiamat
« Bienvenue mes
amis, bienvenue à l’Emporium Itinérant ! », déclame Mahadi.
« Vos visages ne me
sont pas familiers, j’en déduis que c’est votre première visite. Ici vous
trouverez tout ce qu’il faut pour contenter de hardis voyageurs tels que vous.
Votre machine de guerre a besoin de réparations ? allez voir Slagg la
salamandre à la forge de Firesnake ; vous voulez donner un petit coup de
fouet à votre chaudière ? Elliach vous fournira tout l’Ichor qu’il vous
faudra ; il vous manque des composants pour alimenter vos prouesses
arcaniques ? Slovashi l’Arcanaloth saura vous trouver tout ce dont vous avez
besoin ; vos rituels sont trop gourmands en âmes perdues ? vous en
trouverez d’excellentes à la ferme aux larves de Z’neth ; à moins que ce
soient les méandres de l’avenir qui vous inquiètent ? Madame Xamnu vous
éclairera alors de ses fantastiques prédictions ; vous êtes ici pour
affaire ? Freh’talha et ses diablotins d’Avernus Express pourront
certifier tous vos contrats et en livrer des copies aux quatre coins des
enfers ; d’ailleurs êtes-vous sûrs d’avoir la tenue adéquate pour vos
rendez-vous du moment ? les cuirs de Grabool vous rhabilleront de la tête
au pied et les parfums envoutant du Repos de la Rose raviront vos futures
conquêtes ; et bien sûr pour vous remettre de votre périple, quoi de mieux
qu’un séjour dans mon humble établissement ? Au Délice Infernal vous
attendent les mets les plus succulents accommodés à votre goût, les créatures
les plus sublimes qui vous enchanteront de leur compagnie, les bains les plus
relaxants, les lits les plus douillets et les spectacles les plus
divertissants, tout cela et bien plus est à portée de votre main ici même à
l’Emporium Itinérant ! »
Les aventuriers pénètrent donc avec une certaine méfiance dans le dédale de tenture car si la règle de neutralité et de non-violence édictée par Mahadi semble respectée par tous, les visiteurs de l’Emporium ne sont pas des plus engageants. Ici une bande de mercenaires Nycaloths s’adonne au bonneteau proposé par un croupier tiefling aux yeux ophidiens, là l’équipage de gobelins et de derros du Blooreaver s’égaille autour de son capitaine, un Illithid borgne aux tentacules faciaux frémissants, plus loin encore c’est un sculptural minotaure aux cornes d’airain qui cherche Mahadi. Tandis que le reste du groupe continue son chemin vers le délice infernal, le Crinti décide de suivre le minotaure. Celui-ci est venu acheter de rarissimes onguents extra-planaires pour le compte de son maître Arkhan le Cruel.
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Torogar Steelfist |
Une fois son affaire conclue, il
enfourche sa machine de guerre personnelle dont la selle est suspendue à une
unique boule d’or gravée de prières abyssales à la gloire de Tiamat. Dissimulé
derrière une tenture, le Crinti tente de dérober le précieux coffret de remèdes
en manipulant sa main de mage à distance. Mais la boîte est juste un peu trop
lourde et elle tombe à terre au moment où la chaudière de la machine commence à
rugir. Le minotaure s’en aperçoit et la ramasse en maugréant contre sa
maladresse, inconscient de la tentative de chapardage du demi-drow.
Avant de rejoindre ses compagnons, le Crinti fait le tour des boutiques pour trouver de quoi se revigorer. Slovashi l’Arcanaloth n’a pas de potion qui combatte les effets de la fatigue infernale mais il a en revanche de belles histoires à raconter sur les artefacts que portent les héros. Jotunbane par exemple pourrait leur rapporter un pactole en denier d’âmes s’il la vendait au « croqueur de nain » le diantrefosse de la 748ème légion de Zariel qui adorerait corrompre une arme sacrée de Clanggedin contre lequel il garde une rancune tenace depuis que le père des batailles lui a arraché les cornes de manière définitive lors de la tentative manquée de putch de Laduguer, le dieu des Duergars, contre Moradin sur les pentes du Mont Céleste.
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Slovashi l'Arcanaloth |
Les
masques du dragon en revanche n’ont de valeur qu’aux yeux des suivants de
Tiamat car ceux-ci ne sont pas de véritables objets que l’on peut posséder mais
plutôt des émanations de la déesse incarnées dans ces reliques qui tôt ou tard
reviendront à la substance divine qui les a engendrées. Le Crinti poursuit ses
emplettes infructueuses au Repos de la Rose où les automates squelettes au
front couronné de roses fanées tentent de lui vendre leur fameuse gamme
tonifiante de cosmétiques qui pourront au moins cacher les effets de la fatigue
à défaut de la faire disparaître.
En effet il
n’y a qu’un seul endroit où l’on peut trouver le répit suffisant pour se
requinquer, celui-là même où pénètrent enfin les autres héros. Au bout d’un
long couloir bordé de lourds rideaux de velours, ils découvrent un somptueux
hall de réception où les convives du Délice Infernal peuvent patienter sur des
banquettes garnies de moelleux coussins de soie en sirotant les exquis
breuvages concoctés par la maison avant d’emprunter le monumental escalier de
marbre qui les mènera aux plaisirs sur mesure qui les y attendent. Les
aventuriers sont accueillis par une tiefling aux cheveux ondulants qui leur
offre les boissons idéales auxquelles leurs jetons de bienvenue leur donnent
droit. Pour pouvoir profiter plus avant du délassement promis, il faut en
revanche devenir membre de l’établissement, ce qui ne requiert qu’une simple
goutte de sang pour signer et approuver le règlement du lieu. La formalité
semble dérisoire pour enfin être soulagé de la sourde fatigue qui s’accroche à
eux depuis leur arrivée en enfer, mais il y a une clause inscrite en minuscules
caractères qui reste inacceptable pour les héros : « en cas de défaut
de paiement immédiat à l’issue de la fourniture des services demandés, l’âme du
contrevenant sera perdue au profit seul et entier de Mahadi »
A regret, Ildur suit donc ses compagnons outragés vers la sortie où les rugissements qui avaient un instant quitté son esprit accablé reprennent de plus belle sous le ciel rouge de l’Avernus. Le Crinti les retrouve alors et les supplie de le débarrasser des deniers d’âme qu’il a réussi à obtenir de la vente de la chaudière de leur deuxième machine de guerre. Les gémissements incessants des âmes torturées emprisonnées dans les étranges pièces sont effectivement difficilement supportables et ne font qu’aggraver l’inconfort que le demi-drow a déjà hérité des pérégrinations de son alter ego. Il les amène ensuite sur les traces de Torogar Steelfist dont la roue a marqué au fer rouge le sable de la dune d’un chemin de prière qui semble mener droit vers Tiamat. Ildur écarquille les yeux en découvrant que les incantations ainsi gravées dans le sol lui sont plus que familières. Il n’a pas besoin de les lire car il les connait déjà par cœur et leur rythme entêtant lui martèle le crâne tout le long du chemin que ses amis ont décidé de suivre jusqu’à la lisière des zones administrées par Zariel, au bord du no man’s land qui délimite le territoire de Tiamat. Au milieu de la plaine de cendres déserte qui s’étend au pied des montagnes sculptées comme des crânes de dragons, se dresse une unique tour de basalt dont le sommet se déchire en cinq griffes vertigineuses au-dessus desquelles tourne la silhouette d’une colossale dracoliche blanche. C’est pourtant vers la porte de ce sinistre monument que mène la piste de Torogar. La machine des aventuriers s’avance au pas dans la plaine, les hurlements des âmes qu’elle consume brisant l’étrange silence de ces lieux où même les légions de Zariel ne mettent pas les pieds. Finnlay interpelle alors ses amis car les étranges silhouettes ailées qu’il avait repérées en haut de la tour viennent de s’en décrocher pour plonger vers eux. Leur vol rappelle un peu celui des draconiens que le Grand Observateur avait créés dans les catacombes d’Elturel, mais ces créatures semblent bien plus féroces comme si les minions de Thavius Kreeg n’avaient été que les ébauches de ces démons draconiques. Ildur s’avance vers les abishaiis qui les encerclent en mettant bien en avant les poignards maudits qu’il porte à la ceinture. Prétendant être un émissaire du culte du dragon, il réclame audience auprès d’Arkhan le Cruel. Les démons hésitent un moment à accéder à sa demande mais quand le Crinti brandit son anneau de Myrkul en déclarant que le dieu des morts soutient cette requête, ils hochent la tête et conviennent de laisser Krull le nécro-prêtre décider de leur sort. Ils mènent donc les aventuriers jusqu’à la haute porte de bronze verdie par le temps contre laquelle ils frappent le lourd heurtoir sculpté en forme de tête de dragon.
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Krull le nécro-prêtre |
Les battants s’entrouvrent
pour laisser passer un étrange individu, une sorte d’homme-tortue aux écailles
grises et à la carapace en pointe gravée de symboles sacrés de Tiamat et de
Myrkul entremêlés. Il dévisage les nouveaux venus avec un air impatient et leur
annonce qu’Arkhan ne reçoit personne en ce moment car il est souffrant. Il a en
revanche donné tout pouvoir à Krull pour traiter les affaires courantes.
Celui-ci écoute donc distraitement les mauvaises nouvelles qu’apportent les
aventuriers sur les revers qu’a subi le culte dans ses plans sur Toril. Agacé
par les détours précautionneux de leur récit, il finit par leur couper la
parole. Leur plainte a bien été entendue, Tiamat enverra des renforts massifs
pour finaliser les préparatifs de son arrivée sur le plan matériel et
maintenant ils peuvent prendre congé car Krull doit retourner prodiguer ses
soins à son maître.
Les héros laissent derrière eux la tour solitaire dans un silence un peu gêné. Finalement Tengrim se racle la gorge et propose qu’on aille enfin voir ce qui se trame du côté de la colline d’Haruman, ce à quoi ses compagnons acquiescent rapidement pour se redonner une constance. Le chemin du retour est méconnaissable alors que le trajet est identique. Les ruines des palais au bord du Styx font place à une antique route aux pavés défoncés qui serpentent jusqu’au sommet d’un éperon rocheux qui surplombe le fleuve. Les bas-côtés sont plantés d’étranges arbres métalliques dont les branches acérées retiennent les corps meurtris des anciens Hellriders qui avaient tourné bride dans le désastre de la croisade. Au-dessus de chacun d’eux est cloué un écriteau portant le nom du croisé et le crime qui l’a conduit à ce supplice. Parjure, déserteur, lâche, traître, tels sont les épithètes qui se déclinent au long du chemin. Chaque arbre en cache d’autres qui ne se révèlent que quand on s’approche et ces rejets portent les fruits du serment brisé des Hellriders, fils de parjure, petit-fils de déserteur, arrière-petit-fils de traître ; les descendants des fuyards partagent le péché de leurs aïeux. Tous sont couverts de plaies sanguinolentes auxquelles s’abreuvent de répugnantes créatures boursoufflées qui s’envolent à l’approche de la machine de guerre infernale pour aller se réfugier vers le plus grand des arbres qui domine tous les autres au bout de la route.
Les héros suivent le chemin que le vol des
striges dessine au-dessus d’eux et bientôt ils arrivent au pied de l’arbre qui
porte le plus honni des suppliciés, celui qui donna l’ordre de fuir et referma
le portail derrière lui, le plus vil des couards qui fut jamais, le pitoyable
Jander Sunstar. Encore prisonnier de son armure de général des Hellriders,
l’elfe au teint blanc de craie et aux canines proéminentes ressemble ainsi à
Sandesyl et ses minions. Pourtant son regard éperdu de douleur n’évoque que la
plus terrible des pitiés aux héros. Tour à tour les striges se posent sur son
cou pour y plonger leurs longs becs pointus et y régurgiter leur sanglant
festin. Ainsi régénéré de force, Sunstar retrouve un instant sa lucidité pour
contempler la déchéance vers laquelle il a entrainé tous ses frères d’armes,
avant que les torsions des branches aiguisées ne le renvoient dans les affres
insondables de son châtiment. Une nouvelle injection le ramène à la conscience
juste assez longtemps pour qu’il aperçoive les héros et les implore de mettre
fin à son supplice. Tremblant, Ildur pointe alors vers lui le narguilé enchanté
de Mad Maggie. Il crie le nom de la guenaude et aussitôt la forme de Sunstar se
trouble et se décompose en un tourbillon de fumée qui se retrouve aspiré dans
le ventre de verre du narguilé. Le ranger n’a qu’un instant pour y voir
disparaitre dans les volutes le visage éploré de l’elfe, avant qu’une lourde
cavalcade ne vienne marteler ses tympans. Tengrim tente de redémarrer leur
machine mais tout autour d’eux de nouveaux arbres surgissent du sol et
soulèvent l’engin hors de la route tandis qu’un premier écriteau assène son
implacable accusation : « Ildur Main d’Airain, Voleur ! »
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