mardi 5 décembre 2023

L’Enlèvement de Maccath l’Ecarlate

 


Une aventure de Donjons & Dragons de niveau 14

 

Avec

 

 

 

 

Icham Andeth Alamnar, Le barde qui joue les requins géants

 

Tengrim Copperplate, Le nain qui retrouve la trace de la némésis de sa hache

 

Faerdhallarlasar "Rka" Muulkennirrhialiandeth, le drakéide qui a des remords de sacrifier les esclaves du dragon

 

 

 

Les serviteurs d’Arauthator répondent avec célérité à l’alerte. Les kobolds se précipitent en piaillant à travers les couloirs pour surprendre les intrus dans la salle aux trésors. N’y trouvant personne, ils s’égaillent en tous sens en espérant que le dragon estimera qu’ils font preuve du meilleur effort pour lui obéir en courant ainsi partout. Marfulb, l’intendant crapaud des glaces, tente de son côté d’organiser des recherches plus efficaces en réveillant les trolls des glaces pour qu’ils débusquent les responsables de l’alarme. Cachés non loin, les héros décident de délivrer Maccath l’écarlate au plus vite pour qu’elle se joigne à leur fuite. Icham se présente devant les trolls qui gardent la tente de l’érudite en leur ordonnant du haut de son autorité de dragonclaw de partir se joindre aux fouilles de leurs congénères. Malheureusement les créatures ne sont pas aussi bêtes qu’elles en ont l’air et elles flairent aussitôt l’entourloupe. Avant que la situation leur échappe, Rka captive les monstres par un motif hypnotique. Tandis que les trolls sont occupés à contempler les jolies étincelles qui glissent autour d’eux, les héros écartent les pans de la tente pour en faire sortir Maccath. 

Maccath l'écarlate


Icham retire devant elle l’un des gants illusoires de son apparence trompeuse pour lui faire comprendre qu’ils ne sont pas réellement des membres du culte. Maccath saisit immédiatement les implications de son geste et accepte de les suivre après avoir rapidement passé en revue les options qui s’offrent à elle. Tout en leur confirmant que la Draakhorn a été emportée loin d’Oyaviggaton il y a plusieurs semaines par le culte, elle passe dans la pièce adjacente où de sommaires étagères sont couvertes d’antiques documents, parchemins netherils, orbes elfiques et même tablettes sarrukh, empilés soigneusement dans ce scriptorium de fortune. Elle en choisit soigneusement trois parmi ceux qu’elle considère les plus irremplaçables pour pouvoir les étudier une fois libre. Tengrim l’imite mais sans prendre autant de précautions, il vide tout le contenu des étagères dans son sac sans fond.  Sachant que son emprise hypnotique va bientôt se dissiper, Rka l’abandonne et se concentre plutôt pour rendre à nouveau tous ses compagnons invisibles. Les trolls reprennent leurs esprits et voyant que les étrangers ont disparu, ils vont aussitôt prévenir leurs supérieurs. Le premier se contorsionne pour faire entrer son énorme corps spongieux dans l’étroit toboggan de glace qui mène directement à l’antre du dragon. Le second court avertir Marfulb que Maccath a disparu, donnant une description incroyablement précise de ses ravisseurs. Le crapaud envoie une délégation de ses semblables se rendre compte par eux-même de l’état du scriptorium. C’est un concert de coassements horrifiés qui résonnent dans les couloirs quand les grotesques amphibiens constatent que leurs plus précieux incunables ont été dérobés. Profitant de la confusion les héros rejoignent les couloirs encore encombrés par la foule des kobolds et des trolls. Rka façonne alors de fausses traces illusoires pour attirer les serviteurs du dragon plus loin vers la salle aux trésors et ménager un éphémère passage vers la sortie. Les héros se faufilent avec la discrétion la plus extrême possible vers l’escalier qu’ils ont emprunté à l’aller, frôlant l’un des trolls qui manque de les repérer. Ils gravissent les marches à toute vitesse mais se retrouvent bloqués par la trappe que les ulutius ont refermé derrière eux. Leurs appels pour se la faire ouvrir restent sans réponse, si ce n'est le cri de détresse d’une femme sèchement rabrouée par l’un des hommes. Faisant fi de la discrétion, Tengrim entreprend de détruire la plaque de bois qui le sépare de l’extérieur, bientôt rejoint par Rka qui pulvérise les planches par la grâce de la puissance divine dont il renforce ses coups. Alors que le nain termine d’arracher les peux de phoques qui bloquent encore le passage, une brume glaciale monte dans l’escalier et transforme sur son passage les marches en toboggan. Seuls les réflexes aiguisés d’Icham lui permettent de ne pas laisser Maccath l’entrainer dans sa chute. Tengrim émerge enfin à l’air libre où il est accueilli par les chasseurs ulutius qui le menacent de leurs harpons en le suppliant de redescendre dans l’antre du dragon. Ignorant leurs suppliques et les sanglots des enfants blottis dans les bras de leurs mères, le nain bouscule les ulutius pour ouvrir la voie à ses amis. Icham se précipite au dehors pour retrouver son pégase qu’il enfourche aussitôt. Tengrim tire Rka par l’épaule pour qu’il l’emporte à son tour dans les airs. Le paladin s’exécute à regret, prenant son envol sous les malédictions des ulutius qu’il laisse à la merci du courroux de leur terrible maître. Durant le vol, Maccath interrompt ses récriminations contre l’imprévoyance des héros qui n’ont pas les moyens de la téléporter à l’abri loin de là pour leur révéler que le culte a emporté la Draakhorn vers Uldoveld pour l’enchâsser dans un mythal conçu en grande partie d’après ses propres recherches. Malgré la culpabilité qui le ronge, Rka scrute le ciel derrière eux pour y déceler la trace d’un éventuel poursuivant. Ce n’est qu’une fois de retour au navire des glaces qu’il repère enfin l’indice qu’il cherchait. Les rayons du soleil sont étrangement diffractés juste au-dessus d’eux, signe manifeste qu’une créature invisible les survole, et au vu de la largeur de la zone impactée par l’anomalie, elle est d’une taille colossale. Icham redécolle aussitôt avec Tengrim en croupe cette fois-ci. Une hâte magique amène le pégase vers sa cible en un instant. Icham frappe tout aussi vite et sa lame tonnante fait sauter l’invisibilité de la créature qui n’est autre qu’Arauthator lui-même. 

Arauthator se révèle


Tengrim profite de l’élan donné par le pégase pour ouvrir une large entaille sur le ventre vulnérable de la bête, déviant sa monstrueuse griffe d’un revers de Jotunbane. Le dragon rugit de douleur et de surprise. Il se pensait bien à l’abri de son invisibilité et voilà que soudain ses maudits mortels le forcent à combattre à découvert. Plutôt que d’accepter une confrontation dont il ne maîtrise pas les règles, il opte pour une retraite stratégique. Mais là encore ses adversaires se montrent bien plus dangereux qu’il ne le croyait. Le puissant battement de ses ailes aurait du balayer le drakeide de son passage mais les ailes de platine du paladin lui donnent une stabilité inégalée dans les airs. Une vrille plus tard son châtiment divin s’abat sur le dos du dragon blanc. Arauthator plonge sous la banquise fracturée de la mer des glaces mouvantes à travers un déluge de boules de feu invoquées par le paladin. Icham saute à sa suite en se transformant en requin géant que Rka chevauche après avoir avalé une potion de respiration aquatique. Déjà blessé, le dragon ne parvient pas à distancer ses poursuivants et se voit acculé à la contre-attaque. Il fait brusquement volte-face pour réduire le requin en charpie en quelques coups de sa puissante mâchoire. Mais cette tactique désespérée l’a laissé à la merci de la lame du paladin dont la force décuplée par l’énergie divine laisse le dragon aux portes de la mort. Sans sa monture sous-marine, le drakéide ne peut pourtant que regarder son ennemi lui échapper sur le fil. Arauthator disparaît dans les profondeurs en laissant derrière lui une traînée de sang et d’ichor se déversant de ses plaies et de son œil crevé. Les héros retournent à la surface juste avant qu’Icham ne suffoque. Tandis qu’ils se réchauffent grâce aux enchantements de contrôle du climat des halruaans, les héros constatent que leur exploit d’avoir mis en déroute le grand dragon a changé le regard que Maccath porte sur eux. Contrairement à son intention initiale de fuir au plus vite vers le sud, elle accepte désormais de les accompagner vers Uldoveld pour les aider à désactiver le mythal de la Draakhorn. Elle partagera même ce qu’elle a appris de la cité perdue d’Ythryn dans les archives d’Oyaviggaton avec les halruaans pour sécuriser leur coopération. Ceux-ci se félicitent de leur bonne fortune et même les remontrances de Rka concernant leur impiété ne suffisent pas à assombrir leur humeur. Kinnuki en revanche semble un peu attristé par la nouvelle qu’Uldoveld est bel et bien leur destination. Il ne reniera pas sa promesse de guider les héros jusqu’au mythique royaume des géants du froid, mais il leur demande juste de faire preuve d’indulgence avec son ami Storvrik qui y règne encore sur les vestiges de sa grandeur passée, une faveur qu’il sera bien difficile à obtenir de Tengrim qui compte bien offrir à Jotunbane l’apothéose de son existence.

samedi 14 octobre 2023


Au secours de la presse libre


Un individu capuchonné frappe à la porte de l’entrepôt De Boca, il semble inquiet, un peu perdu. Très vite vous apprenait tout de lui. Il se fait appeler Théophraste Renaudot et c’est le rédacteur en chef de la gazette des Divines et Savantes Pages, un ami de votre contact M. Pujol, arrêté avec Mamie Rose une semaine auparavant par les granbretons. Très rapidement, il vous raconte ses déboires sans les précautions auxquelles vous étiez habitués avec votre ancien contact. Ce pauvre M. Pujol, de son vrai nom Pierre de Johannes, est revenu traumatisé et mutique de son incarcération granbretonne et leur presse d’imprimerie a été confisquée. Théophraste, lui-même très inquiet de la situation, se cache à présent et a prétexté un voyage familial à Parye pour quitter son emploi de directeur d’une école REP. Il compte cependant continuer sa gazette et montre un enthousiasme communicatif à ce sujet. Il semble avoir d’importants soutiens qui continue à financer cette entreprise.

Théophraste vous propose de reprendre le contrat que vous aviez avec Pierre (une cire verte et du papier à en-tête spécial « De Boca ») plus une somme importante (100 PA) pour récupérer une autre presse qui végète depuis des années dans les entrepôts de la ville de Montalban (pour un ancien projet farfelu du défunt baron). Il est prévu depuis longtemps que la ville fasse don de cet appareil au consul de Granbretanne, et cette opération doit avoir lieu dans 4 jours. Vous acceptez, tout en poussant Théophraste à plus de discrétion et de précaution dans les échanges avec vous. Vous lui trouvez même un local à l’écart de la ville, près des briqueteries, pour y installer la presse et y imprimer sa gazette.

Vos nombreux contacts en ville, et en particulier Emile Ratsin, un ado malingre, chef d’une bande d’enfants des rues, vous aide à localiser précisément la presse dans le Palacio. Ce très grand et ancien bâtiment à moitié abandonné, appartient à la baronnie de Montalban et contient les administrations municipales. Il a même sûrement des fondations qui datent de l’âge d’or puisque le Tiube, une structure qui domine le pont de Montalban, commence ici. Votre objectif est démonté et entreposé dans de nombreuses caisses (l’appareil fait quelques tonnes), dans une pièce non surveillée, dans une aile peu fréquentée du bâtiment. Vous décidez d’un plan audacieux pour le subtiliser à la barbe des grandbretons.

Votre maître artisan, Fabrici Ecloud, vous fabrique un casque grandbreton de fourmi en bois peint qui vous permet de passer pour une équipe de l’ambassade de Tolosa. Un fausse lettre de mission, d’un stupéfiant réalisme, vous est procurée par Isidore, Fra Lippe se couvre du faux casque et d’une armure de plates et tous subtilement grimés vous vous présentez au portail du Palacio. Timon, un apprenti imprimeur des Divines et Savantes Pages, vous accompagne pour sa connaissance de l’appareil.

Votre audace dupe rapidement les miliciens de la ville qui vous autorisent à remplir votre chariot. Alors que vous êtes en train de faire le chargement dans la cour du bâtiment, un marchand d’esclaves de Montalban, Valéry Pec, accompagné de ses hommes de main, entre dans la cour et ne peut s’empêcher de venir saluer un émissaire grandbreton. Malgré tous vos efforts pour le congédier, il reste un long moment à discuter avec vous pour prendre des nouvelles. Votre mission ne semble pas tant l’étonner, car il sait que l’ambassadeur de Tolosa et le consul de Montalban sont un peu en désaccord. Malgré quelques frayeurs votre supercherie semble tout de même tenir face à lui. Après son départ, vous terminez votre déménagement (qui aura tout de même pris une bonne heure), et quittez le Palacio. Votre plan était de prendre une barge mais un imprévu le chamboule. Un son de cor connu de tous retentit : la grande débâcle du Tarn est annoncée.

Tous les ans en effet, au printemps, un verrou glaciaire aux sources du Tarn finit par lâcher et une immense quantité d’eau se déverse dans ses gorges jusqu’à Montalban. Le système d’alerte par cor, de village en village depuis les monts Pyreines, fonctionne cependant très bien et vous êtes prévenu quelques heures en avance. Toute la ville s’affaire alors à remonter les quais amovibles et les embarcations des bords du Tarn.

Cette fois cependant cela contrarie vos plans mais vous faites preuve de sang froid et traversez finalement la ville en chariot jusqu’à la planque que vous aviez prévu. L’affairement des habitants lors de la débâcle vous aide à passer en toute discrétion. Quelques heures plus tard, la ville est surprise d’apprendre que c’était une fausse alerte, sûrement un plaisantin dans le village voisin de Montalban.

Théophraste est plein d’enthousiasme à votre retour et vos conseils de prudence semblent avoir un impact limité sur sa personnalité. Mais l’opération est un franc succés et certains d’entre vous, emportés par son lyrisme peut-être, accepte de faire un peu partie de l’aventure éditoriale. Anton prend une part active dans le montage et le fonctionnement de la presse, Mamie Rose écrit une vieille recette familiale pour une nouvelle rubrique de la gazette et même Isidore s’essaie à la poésie, même si le manque de temps pousse son éditeur à lui faire retravailler ses rimes avant publication.

Entre temps, l’intendant Sigismond fait appel à vos services. Un navire venu de La Coruña est arrivé à Montalban et il espère avoir des nouvelles fraîches de De Boca. En effet, vos lettres l’y font séjourner depuis quelques semaines. A vous de retrouver ses marins et de les emmener au manoir De Boca pour qu’il les interroge. Vous esquivez de justesse les provocations de ces marins avinés et bagarreurs, et réussissez à utiliser l’avidité et la roublardise du capitaine spanyard, pour berner l’intendant. Chose rare de sa part, il vous remercie presque alors pour votre diligence.

L’aventure se termine sur la nouvelle gazette qui reparaît grâce à vous après une semaine d’absence. Deux nouvelles en particulier font parler d’elles, le barbier Savini, populaire patron de la confrérie des barbiers coiffeurs, annonce qu’il se présente aussi à l’élection du Lider Maximo, et Theophraste Renaudot sort de la clandestinité en signant la gazette de son nom.

mardi 10 octobre 2023

La Mer des Glaces Mouvantes

 


Une aventure de Donjons & Dragons de niveau 14

 

Avec

 

 

 

 

Icham Andeth Alamnar, Le barde qui aurait fait un merveilleux consort de dragonne

 

Kri Shanu, Le moine qui n’aurait pas dû toucher au trésor

 

Faerdhallarlasar "Rka" Muulkennirrhialiandeth, le drakéide qui s’interroge sur les croyances de ses compagnons de voyage

 

 

 

Grâce à l’ingénieux navire des glaces, il ne faut que trois jours pour rejoindre la côte au large de laquelle dérive Oyaviggaton au lieu des trois semaines prévues à l’origine. L’embarcation est remarquablement facile à manier, à condition de connaître les rudiments de la science arcanique qui permettent de se lier aux enchantements qui activent le gouvernail et tendent la voile triangulaire dans le vent. Ces quelques jours sont mis à profit pour faire plus ample connaissance avec l’équipage halruaan. Quoique les matelots semblent issus de milieux modestes, ils sont tous instruits tant dans les lettres que dans le maniement de la magie. Rka est également choqué de découvrir qu’ils ne sont absolument pas religieux. Leur vision très prosaïque de la place des dieux dans l’univers et leur absence totale de crainte du courroux divin sont presque ressenties comme une insulte à la relation directe que le paladin entretient avec son dieu. Le regard réprobateur qu’il porte sur les étrangers rejoint désormais le point de vue de Kinnuki. Le drakéide profite de ce rapprochement pour tenter d’en apprendre plus sur leur guide. Celui-ci est un fervent disciple de Valkur, obscur demi-dieu nordique qui n’a de cesse de défier les dieux destructeurs des tempêtes comme Umberlee, Talos et surtout Auril. Cette dévotion semble lui donner la force d’affronter les rigueurs de sa vie mais n’est pourtant pas l’origine de sa longévité exceptionnelle qui réside encore dans un autre secret qu’il se refuse à révéler. 

Pour rejoindre l’iceberg qui cache le repaire d’Arauthator, Kinnuki propose d’attendre d’apercevoir le kayak d’un groupe de chasseurs appartenant au clan d’ulutius que le dragon a asservi pour assurer le ravitaillement de son antre. Le reghed a déjà fait un peu de troc avec eux et pense pouvoir les convaincre de mener les héros jusqu’à Oyaviggaton. Le regard vissé sur le large, Kri annonce qu’il n’a besoin de personne pour retrouver le meurtrier de sa famille. Sa vigilance primitive lui suffit pour débusquer son ennemi juré. Rka et Icham joignent leurs talents pour rendre leurs compagnons invisibles avant de s’envoler au-dessus de la Mer des Glaces Mouvantes. Kinnuki reste en arrière car il ne souhaite pas se joindre à la vendetta du moine. L’apprenti de Radhael ne manque pas de remorquer cette scission du groupe d’aventuriers qui n’a pas l’air de correspondre au tableau dépeint par Icham qui faisait du vieil homme un membre du groupe à part entière. Il est trop tard pour que le barde apaise les soupçons de l’halruaan et c’est avec une pointe de regret qu’il lance son pégase dans la direction indiquée par Kri.



Un soleil éblouissant se reflète sur les morceaux de banquise brisés de toutes tailles qui s’entrechoquent dans les vagues en-dessous d’eux mais grâce à leur magie ils ne projettent aucune ombre sur la glace immaculée, contrairement au grand dragon blanc qui fend les cieux droit vers eux. Quoiqu’il soit de la même taille, il ne s’agit pas d’Arauthator mais d’une étrange femelle harnachée d’une haute selle où trône le cadavre momifié du mage qui la chevauchait autrefois et avec qui elle entretient encore une conversation animée. Icham profite du délire de la dragonne pour amener son pégase juste derrière elle et par un habile tour de ventriloquie se faire passer pour son cavalier décédé. Trop contente d’entendre à nouveau la voix de son compagnon, Arveiaturace ignore volontairement qu’elle n’a rien à voir avec celle qu’elle entend dans sa tête depuis des années. Icham la fait parler de sa visite à Oyaviggaton où Arauthator lui a offert Maccath l’écarlate pour cimenter leur union, en espérant que l’érudite remplace le cadavre ridicule que sa compagne s’acharne à conserver sur son dos. La dragonne hésite pourtant à dire adieu à son compagnon de toujours, même si c’est le prix à payer pour s’assurer une place de choix dans le nouvel ordre qui adviendra quand le retour de Tiamat anéantira les royaumes des mortels pour offrir le monde aux seuls dragons chromatiques. Distillant son fiel avec habileté, Icham accentue les doutes d’Arveiaturace sur les bénéfices de cette alliance et quand l’humeur de la dragonne a suffisamment viré à l’amertume pour qu’elle se réfugie dans un silence boudeur, il la laisse partir en priant pour que sa trajectoire ne l’amène pas à passer ses nerfs sur le navire halruaan qui les attend.

Ce détour a raccourci le temps qu’il reste aux héros pour approcher du repaire d’Arauthator en étant protégés par leur invisibilité. Il va leur falloir agir vite quand ils le découvriront. Peu de temps après, ils arrivent à destination. L’iceberg est une véritable montagne de glace flottante aux parois à pic. Son sommet plat est occupé par un minuscule village de quelques tentes assemblées de peaux de phoque tendues sur des os de baleine. 



Un escalier taillé dans la glace rejoint une étroite plateforme où sont amarrés quelques kayaks. Des chasseurs de retour d’expédition hèlent le village pour qu’on les aide à remonter leurs prises. Des gens sortent des tentes, hommes, femmes et enfants, tous vêtus des mêmes peaux fourrées de la tête aux pieds. Ils retirent les bâches qui protègent de la neige un treuil en bois qui a de toute évidence été amené ici depuis les terres civilisées du sud. En quelques minutes, les carcasses sont hissées et les chasseurs s’accroupissent autour pour les dépecer. Les héros font alors une entrée remarquée. A grand renfort de pyrotechnie magique, ils dessinent les contours d’un prétendu portail de téléportation. Ils en émergent en abandonnant leur invisibilité pour la remplacer par une apparence trompeuse concoctée par Icham leur donnant l’allure d’une délégation de dragonclaws en visite officielle auprès de leur allié draconique. Sous le regard immobile des chasseurs, ils pénètrent dans la plus grande des tentes du village. A l’intérieur ils sont accueillis par un silence pétrifié d’angoisse. Les femmes serrent leurs enfants contre elles pour se coller contre le fond de la tente tandis qu’un vieil homme s’avance avec déférence à leur rencontre. Il baragouine quelques mots de commun, juste assez pour comprendre que les héros veulent voir le dragon. Convaincu par la suggestion de Rka, il écarte alors les peaux qui jonchent le sol pour révéler une trappe enchâssée dans la glace. De là un étroit escalier descend dans les profondeurs obscures de l’iceberg. A pas feutrés les héros explorent le complexe creusé dans la glace en prenant bien garde de toujours rester hors de vue de ses habitants. Non loin de l’entrée on peut déjà entendre des kobolds qui se chamaillent tandis qu’à l’autre bout du couloir, derrière un épais rideau, d’étranges coassements leur parviennent étouffés derrière un épais rideau, évoquant à Kri le langage des crapauds des glaces qui vivraient dans les cavernes gelées de l’épine dorsale du monde. Icham inspecte un puits qui plonge encore plus profondément sous leurs pieds mais son serpent ailé dont il a emprunté les sens doit renoncer à ses investigations avant d’avoir touché le fond tant le froid devient mortellement intense à mesure qu’il descend. Un peu plus loin, d’autres kobolds soufflent et soupirent en accomplissant une tâche qui leur semble particulièrement rébarbative qu’un certain Marfulb leur a assignée. Suivant un couloir de traverse, Icham détecte une discrète lueur filtrant entre les pans d’une tente de peaux nichée dans une petite grotte. Le froid y est moins mordant qu’ailleurs et les deux trolls à la fourrure bleu sombre qui y montent la garde suent à grosses gouttes. 



Cependant c’est une autre pièce qui attire l’attention des héros. Aussi large que toutes les autres cavernes réunies, un énorme hall bordé de piliers cyclopéens sert de lieu d’exposition aux plus impressionnants trophées d’Arauthator. D’un côté, une pieuvre géante étend encore ses tentacules vers une troupe d’abominables yétis dont les hurlements hypnotiques sont eux aussi à jamais figés dans la glace. Au cœur d’une des massive colonne, un trio de remorhazs se dresse jusqu’au plafond dans une élégante triple hélice. Les murs regorgent d’œuvres d’art rarissimes dont l’éclat rivalise avec les auras magiques qui émanent des bijoux et des armures prisonnières de l’iceberg. Le clou de cette collection est sans contexte un antique navire elfique capturé sans doute même bien avant qu’Arauthator ne s’empare d’Oyavigatton car son équipage encore parfaitement préservé par le froid est constitué d’avariels, ces mythiques elfes ailés qui disparurent il y a des milliers d’années en se sacrifiant pour briser l’empire des dragons sur le monde et permettre à leurs frères de fonder leurs royaumes. Un large tunnel a été creusé dans le mur jusqu’à la coque du navire. La cale a été éventrée pour en sortir sa gigantesque cargaison qui pourrait bien être la fabuleuse Draakhorn grâce à laquelle le culte de Tiamat est en passe d’assurer son hégémonie sur le genre draconique. Kri concentre son ki pour se frayer un passage jusqu’au pont du bateau mais ce faisant il libère le gantelet d’un des avariel qui glisse d’à peine quelques millimètres, mais cet infime mouvement suffit à réveiller le maître des lieux dont le déplaisir suffit à faire trembler toute son antre signifiant aux indélicats qui ont osé toucher à son trésor que leur châtiment sera terrible.

mercredi 27 septembre 2023

La Fureur des Hommes Morses

 


Une aventure de Donjons & Dragons de niveau 14

 

Avec

 

 

 

 

Icham Andeth Alamnar, Le barde qui amadoue les ours

 

Kri Shanu, Le moine qui brandit la faveur d’Auril

 

Tengrim Copperplate, Le nain qui méprise les magiciens bâtisseurs

 

Faerdhallarlasar "Rka" Muulkennirrhialiandeth, le drakéide dont les doutes sont accueillis avec condescendance

 

 

 

 

 

Malgré l’insistance de Kinukki pour s’éloigner au plus vite de ce campement dont la présence incongrue au fin fond de la toundra le trouble au plus haut point, les aventuriers sont bien décidés à comprendre ce qui a pu attirer l’équipage du bateau volant jusqu’à cette tour plantée dans la glace. Ils redoublent toutefois de prudence pour mener leurs investigations. C’est donc couverts par l’invisibilité qui les dérobe au regard et par un sortilège de marche sur les eaux qui leur permettra de se déplacer à la surface de l’épaisse couche de neige fraîche sans laisser de traces qu’ils approchent du campement. Une large tente a été montée entre les navires des glaces que les marins sont encore en train d’assembler. Les hommes parlent une langue aux accents archaïques dans lesquels Icham reconnait certains termes utilisés dans l’écriture arcanique des parchemins de sorts qu’il a pu avoir en sa possession. Plus étonnants encore, la plupart de ces simples matelots ont recours à des tours de magie simples pour compléter l’assemblage des coques en kit qu’ils ont apportées avec eux. 

Yil Shargo


Leur capitaine est une halfling à la voix forte qui supervise l’avancée du travail depuis l’entrée de la tente tout en conférant à intervalle régulier avec un vieil homme aux cheveux hirsutes dont le large front est incrusté de six saphirs parfaitement lisses. Ce dernier commande également à trois de ses apprentis qui étudie un étrange habitant de la tour de basalte. En effet, à chaque fois que l’un d’eux se présente à l’entrée de la ruine, un humanoïde à la peau bleu sur laquelle courent de petits arcs électriques vient les accueillir en leur récitant un texte qui semble être à chaque fois identique. L’étrange individu parle lui aussi une langue inconnue qui ressemble pourtant beaucoup à celle que pratiquent l’équipage venu à sa rencontre. Tengrim examine l’architecture de la tour dont les fioritures inutiles sont indubitablement typiques des goûts humains. Il juge également sévèrement la virtuosité des arches qui la reliaient autrefois à d’autres structures car celles-ci ont été façonnées par magie et non par la main experte de bâtisseurs dignes de ce nom.

Lorsque les héros s’approchent encore pour tenter de voir de plus près l’intérieur de la tour, ils constatent que la neige a fondu très nettement autour du campement qui jouit d’une température tout à fait clémente, ce qui explique pourquoi les marins sont aussi légèrement vêtus. Un champ magique artificiel de contrôle du climat émane de la tente et annule les conditions arctiques sur tout le périmètre. Poussé par la curiosité, Icham s’approche de la tour. Tout le mobilier à l’intérieur est brisé et le sol est jonché de livres ruinés par l’humidité qui tombent en charpie quand le barde tente de les saisir avec sa main de mage. Il poursuit son exploration en se glissant subrepticement dans la tente centrale. A sa grande surprise, l’intérieur en est bien plus vaste que l’extérieur. De longs couloirs desservent une quantité de pièces servant de dortoirs, d’entrepôt, de cuisines ou encore de laboratoire. Il n’a cependant pas le temps de continuer à fouiller car une sirène retentit. La capitaine halfling ordonne aussitôt à ses hommes de prendre une position défensive autour des navires des glaces tandis qu’elle-même rejoint le mage et ses apprentis qui préparent une riposte coordonnée contre les assaillants que leurs alarmes magiques ont détectés. 

Un Thanoï


Une troupe hurlante fond en effet sur le campement. Juchés sur des traîneaux rudimentaires tirés par des ours blancs cruellement entravés par des jougs hérissés de crochets, des hommes morses au regard fou se sont assemblés pour chasser les étrangers qui bafouent la loi d’Auril en refusant de se soumettre au froid glacial qui doit régner éternellement sur son domaine. Icham se précipite au dehors et lance un appel vers le ciel. Un splendide pégase noir paré d’un caparaçon brodé d’or lui répond et plonge vers lui pour le prendre en selle. Dans le même mouvement il vole jusqu’à Tengrim qui s’accroche à la monture juste assez longtemps pour pouvoir sauter à terre et barrer le chemin du flanc gauche de la bataille grâce au renfort des esprits gardiens de Mithril Hall qu’il invoque à ses côtés. Kri bondit à son tour dans la mêlée, ses foulées d’une rapidité surhumaine lui permettant de fondre sur le chef des thanois dont il brise la couronne de stalactites de glace d’un violent coup de sa lance. Rka de son côté fait le vide sur l’un des traîneaux qu’il vise d’une boule de feu. Une déflagration encore plus violente lui répond de l’autre côté du campement alors que Radhael et ses apprentis conjuguent leur puissance magique pour annihiler un autre traîneau dans une explosion de flammes qui projette une pluie de débris calcinés dans les airs. Surenchérissant sur la violence de la contre-attaque, Icham et son pégase décuplent soudain de taille pour projeter une ombre titanesque qui avale les hommes-morses dont le moral s’effondre tant ils sont saisis d’effroi. La débandade est aussi soudaine que la charge l’a été. Kri assomme le chef des thanois pour le capturer. Lorsque ses fidèles tentent de le délivrer, le moine brandit devant eux la lance de Bjornhild et ce symbole de la puissance d’Auril achève de les soumettre, les contraignant à une retraite empreinte de crainte du courroux divin. Icham saute à son tour sur le traîneau pour arrêter la course des ours qui le tirent. Il libère ensuite les bêtes en leur parlant avec une douceur surnaturelle qui les mène à accepter l’aide du barde qui détache avec précaution les crochets enfoncés dans leur fourrure avant de panser leurs plaies grâce à sa magie curative. Ce spectacle déjà surprenant prend un tour encore plus improbable quand l’un des ours se tourne vers son sauveur pour lui adresser un « merci » dans un commun presque parfait.

La capitaine halfling se présente aux héros afin de les remercier de leur aide. Elle se nomme Yil Shargo et elle représente les cinq compagnies marchandes d’Halruaa. Assistée de Radhael et ses apprentis, elle est à la recherche de l’épave de la cité volante d’Ythryn. Ils pensaient avoir retrouvé sa trace grâce à un golem gardien rescapé du crash de la ville antique qui avait erré jusqu’au sud où il avait fini par être récupéré après sa désactivation. Mais en remontant sa piste ils n’ont trouvé que cette tour arrachée à l’un des palais pendant le désastre de la chute du Netheril. Ils concentrent désormais leurs efforts sur l’étude du Galvan encore actif dans la tour. Ce construct humanoïde à la peau bleu qui s’active dès qu’on entre dans la tour continue à recevoir un flux intermittent d’énergie de foudre qui lui permettent d’assurer ses fonctions les plus basiques. Ils espèrent réussir à identifier la source de ces transmissions qui devrait encore se trouver dans le cœur de la cité perdue. En attendant, ils ont construit des navires des glaces afin d’explorer méthodiquement les alentours en partant sur l’hypothèse qu’Ythryn s’est écrasé dans la région.

Icham envoie son serpent ailé dire à Kinukki de les rejoindre avec Xzart mais il prend bien soin de cacher aux halruaans que le barbare est un guide qui connait parfaitement la région. Peu après Kinukki les rejoint en arrivant à cheval sur la hyène géante, spectacle légèrement ridicule né d’une mauvaise compréhension du message envoyé par Icham. Les sourires moqueurs qui l’accueillent ne font que renforcer le malaise du reghed qui se mure dans le silence après avoir murmuré aux héros une ultime mise en garde contre ces étrangers dont l’usage abusif de la magie ne peut que créer des catastrophes. Rka tente d’ailleurs de relayer cette inquiétude mais ses doutes sont accueillis avec une prodigieuse condescendance par les halruaans qui considèrent la méfiance envers la sur-utilisation de la magie comme une superstition primitive. Ignorant lui aussi l’avis de leur guide, Icham négocie un accord avec le capitaine Shargo. Les héros pourront embarquer sur un navire des glaces qui leur fera gagner un temps précieux en route vers Oyaviggaton. En échange, ils partageront tous les indices qu’ils pourraient trouver dans le repaire d’Arauthator pouvant mener jusqu’à la cité d’Ythryn.

 


mardi 25 juillet 2023

Aux Confins du Monde

 


Une aventure de Donjons & Dragons de niveau 14

 

Avec

 

 

 

Faerdhallarlasar "Rka" Muulkennirrhialiandeth, le drakéide qui ne croit pas à sa propre suggestion

 

Icham Andeth Alamnar, Le barde qui rit aux blagues de sa hyène

 

Kri Shanu, Le moine qui s’entraine à la survie arctique

 

 

 

Quelques jours de mer suffisent pour rejoindre les Confins de Revel. La tour vertigineuse de la prison surplombe la falaise au pied de laquelle l’expédition des aventuriers débarque. Tandis que Sephek Kaltro et ses hommes s’occupent d’amener tout leur matériel à terre, les héros sont accueillis par la Directrice Marthannis qui a été prévenue de leur arrivée par Chaldos Vedriga. Ses obligations ne lui permettent pas de leur consacrer beaucoup de temps mais elle est très honorée de recevoir les fameux héros du Nord. Elle espère cependant pouvoir profiter de leur compagnie le soir même lors d’un diner donné en leur honneur par le conseil de l’absolution. C’est d’ailleurs dans les appartements des conseillers actuellement absents qu’ils seront logés, insigne honneur réservé aux hôtes de marque.


Les Confins de Revel


Les convives du soir sont peu nombreux puisque seuls trois membres du conseil de l’absolution sont présents actuellement. Voss Anderton est l’austère représentant de Neverwinter. Choisi par Lord Neverember lui-même, c’est un fonctionnaire zélé qui prend très au sérieux sa mission d’examiner les demandes de remise en liberté des prisonniers si particuliers des Confins de Revel. Il s’efforce de faire montre d’une impartialité exemplaire lorsqu’il s’agit de déterminer si les détenus méritent encore de rester mis à l’écart au bout du monde ou si leur potentiel de nuisance est devenu suffisamment négligeable pour qu’ils puissent réintégrer la société civilisée de l’Alliance des Seigneurs. Jil Torbo est une halfling cynique qui porte la voix de Baldur’s Gate et pour qui toutes les audiences du conseil ne sont qu’une mascarade. Elle ne prend donc pas la peine d’examiner le moindre dossier et vote systématiquement contre les remises de peine. Kriv Norixius, le drakéide argenté envoyé par Daggerford, affiche une compassion réelle pour les malheureux condamnés à passer le reste de leur existence dans les rigueurs arctiques de la prison. Mais son inquiétude se porte aussi sur les conséquences éventuelles du retour des prisonniers vers le sud dont les manigances pourraient à nouveau mettre en péril les innocents habitants de la Côte des Epées si son indulgence était excessive, ce qui l’amène lui aussi à voter la plupart du temps contre les remises en liberté.

Les conversations sur le bien-fondé de l’existence de ce système de bannissement des séditieux n’ont pas le temps de déraper car elles sont interrompues par l’irruption de la Directrice Marthannis, visiblement en état d’ébriété avancé, qui titube jusqu’au buffet où elle se goinfre de hors d’œuvre en plongeant directement les mains dans les plats. Ce spectacle peu ragoutant ne provoque pourtant pas la réaction de stupeur qu’on aurait pu attendre de la part des conseillers qui le contemple au contraire avec un air tantôt amusé, tantôt plein de commisération. La directrice se retourne alors pour éructer un rot puissant et semble découvrir les héros pour la première fois. Elle les interpelle alors d’une voix rauque empreinte d’un très fort accent nain en se moquant d’eux pour avoir suivi jusqu’ici Jotunbane dans sa quête illusoire du royaume perdu d’Uldoveld. Avant de pouvoir en dire plus, le regard de Marthannis se trouble et elle bafouille quelques mots d’excuse incompréhensibles alors qu’elle reprend ses esprits. Un garde se charge de la raccompagner dans ses quartiers alors que Kriv Norixius implore les héros de lui pardonner cet écart de comportement. Il leur révèle que la directrice héberge en elle l’âme de son meilleur ami, un nain du nom de Vlax Brawnanvil, qui est mort dans ses bras après lui avoir sauvé la vie. A intervalle régulier le nain prend ainsi possession d’elle pour assouvir sa passion pour la bière. Seul un pèlerinage jusqu’au temple de Moradin de Mithril Hall pourrait la débarrasser de cette malédiction, mais elle prend le prétexte de ne pouvoir délaisser ses obligations aussi longtemps pour repousser sans cesse le voyage et surtout le moment où il lui faudra dire un adieu définitif à son ami. Par respect pour sa grande compétence et par amitié pour elle, tous les conseillers ont d’un commun accord décidé de lui laisser le temps de gérer son deuil et cachent ses écarts aux seigneurs qui les envoient.

 

Kinukki


Le lendemain, une sentinelle déclenche l’alerte. Quelqu’un arrive à la prison depuis les étendues glacées du nord. Les aventuriers se presse sur les remparts pour découvrir le nouveau venu. Sa peau burinée tendue sur une musculature encore impressionnante malgré l’âge avancé que ses rides trahissent, l’homme semble être un barbare reghed. Il ne porte cependant aucun des signes d’appartenance à une des tribus que les héros ont déjà croisées. D’ailleurs il arpente la banquise à moitié nu, un simple pagne et des bottes en peau de phoque lui suffisent à affronter le froid polaire qui règne si loin dans le nord. Il dit s’appeler Kinukki et être venu à la demande de Mitann car il tient la prêtresse en haute estime, sa bonté lui rappelant une femme qu’il a connu il y a bien longtemps.

 

L’équipe de Sephek Kaltro accueille la présence du vieil indigène avec condescendance. Venu lui-même du lointain Tethyr il y a bien des années, Kaltro considère les reghed comme des bons à rien. Ses hommes sont tous des habitants civilisés des Dix-Cités bien plus aguerris à la survie dans le grand nord que ces sauvages peuvent l’être. Ils n’adressent donc pas un mot à Kinukki pendant qu’ils chargent leur matériel sur les traineaux auxquels sont attelés leurs chiens. En attendant le départ, Icham plaisante avec Xzart, la hyène géante qui l’accompagne désormais, et interroge Kaltro au sujet d’Uldoveld. Le téthyrien en a déjà entendu parler mais pense que ce n’est qu’un mythe seulement bon à perdre les chasseurs de trésor dans la glace. Kinukki lui n’est pas de cet avis et affirme qu’il a déjà rendu visite à Storvrik dans son fief caché au bout du monde. Le vieux reghed en profite aussi pour adresser quelques mises en garde cryptiques à Kri sur la lance qu’il manie. L’arme le désigne comme ayant la faveur d’Auril, mais c’est un cadeau à double tranchant dont le prix pourrait s’avérer bien plus élevé que ce que le moine est prêt à payer. Le moine tente de rassurer le vieil homme en lui assurant qu’il ne subit aucune emprise de la part de la déesse mais Kinukki confesse alors que c’est aussi ce que pensait sa fille avant qu’il ne la perde à tout jamais au profit de l’hiver.

 

 

La progression est rapide et efficace lors des premiers jours, l’équipe de Kaltro connait visiblement son affaire. Les traineaux tracent une piste facile à suivre et les nuits sont relativement confortables à l’abri des igloos qu’ils bâtissent chaque soir. Grâce aux trappeurs expérimentés qui les accompagnent, les provisions sont abondantes. Kri les suit à ses risques et périls dans leurs expéditions de ravitaillement pour apprendre leurs techniques de pêche à travers la glace et de chasse au phoque sur la banquise. Kinukki leur a annoncé au moins trois semaines de voyage en suivant la côte avant d’arriver dans la zone où dérive Oyaviggaton, l’iceberg qui sert de repaire à Arauthator dans la région. Au bout d’une semaine cependant, une tempête se forme au-dessus de la mer et les force à se déporter vers l’intérieur des terres pour ne pas se retrouver pris dessous. Kinukki suit le mouvement mais affirme placidement qu’il ne sert à rien de vouloir distancer le blizzard qui les rattrapera inexorablement et qu’il faut simplement attendre qu’il passe avant de continuer. Sephek Kaltro est visiblement agacé par les remarques du vieil homme, surtout quand ses prédictions se réalisent le lendemain. L’expédition s’acharne pourtant à mettre de la distance avec la tempête en s’enfonçant toujours plus profondément vers l’Est. Mais c’est peine perdue. Au bout de trois jours, les tourbillons de flocons tranchants les rejoignent et il faut établir en urgence le camp. Icham motive les troupes à sa façon, ses plaisanteries leur accordant la force du taureau pour accomplir leur tâche. A peine les igloos terminés, le blizzard s’abat avec une force terrible sur eux. Pendant trois jours entiers, le vent hurle autour d’eux et le soleil disparait totalement pour les plonger dans une nuit continue. Lorsque l’accalmie survient enfin, ils doivent littéralement creuser la neige pour retourner à l’air libre. Au nord, l’horizon reste barré par les noirs nuages qui déchainent leur furie glaciale sur la banquise, leur coupant purement et simplement la route vers le domaine d’Arautathor. Kaltro veut immédiatement profiter du répit pour faire marche arrière et revenir aux Confins de Revel en attendant que la tempête se dissipe. A nouveau Kinukki le contredit et annonce que ça ne sert à rien puisque le blizzard va faire demi-tour pour revenir sur eux avant de se dissiper en approchant le Valbise. Le téthyrien ne prend aucun compte de ces conseils et refuse de jouer la survie de l’expédition sur les lubies d’un sauvage. Sans conviction, Rka tente de le placer sous l’emprise d’une suggestion pour le faire changer d’avis mais ses hommes sont catégoriques dans leur refus d’avancer encore vers le nord et les héros décident donc de les laisser partir tandis qu’ils resteront sur place avec Kinukki. Ils voient partir à regret les traineaux alors qu’un magnifique ciel bleu éclatant de soleil s’installe au-dessus d’eux. Le temps se maintient au beau encore toute la journée et le front nuageux ne semble pas bouger au nord. Seuls au milieu de la toundra, les aventuriers commencent à douter d’avoir fait le bon choix en n’écoutant pas les professionnels qu’ils avaient eux-mêmes engagés. Mais la nuit suivante, le blizzard retombe sur eux avec une violence encore plus acharnée que les jours précédents. Au matin, la tempête est repartie vers le sud, libérant enfin la voie vers le nord. Les héros se remettent en route en espérant que Kaltro et ses hommes ne seront pas piégés par le blizzard avant d’atteindre les Confins de Revel. Les jours suivant sont plutôt paisibles mais la progression est plus fatigante sans les traineaux pour ouvrir la route. Les nuits sont également moins douillettes sans l’abri des igloos auquel ils s’étaient accoutumés. Rka invoque un renne géant pour soulager la troupe du poids de ses bagages.

 



Au bout de trois jours de plus, Kinukki s’arrête soudain, l’air interloqué. Il montre du doigt l’objet qui l’a ainsi frappé de stupeur. Un bateau volant monte dans le ciel loin devant eux. Le vieil homme est consterné et inquiet de ce spectacle qu’il n’a jamais vu dans la région de toute sa longue vie. 

Les héros continuent en direction de l'endroit d'où le navire a décollé. Kinukki, de plus en plus nerveux, finit par leur ordonner de s'arrêter et de se tapir au sol. Grâce à sa vue perçante immunisée à l'éblouissement causé par la neige, il leur décrit ce qu'il voit avant qu'on puisse les voir en retour. Trois autres bateaux plus petits construits à la mode de Ruathym et montés sur des patins entourent un camp de base où s'affairent une trentaine d'hommes. Derrière eux, une tour de basalte en ruine émerge de la neige et d'étranges lueurs bleutées se reflètent à l'intérieur.  

lundi 19 juin 2023

Le Nouveau Valbise

 


Une aventure de Donjons & Dragons de niveau 14

 

Avec

 

 

 

Faerdhallarlasar "Rka" Muulkennirrhialiandeth, le drakéide qui sent la Draakhorn plus proche que jamais

 

Icham Andeth Alamnar, Le barde qui constate les bienfaits du Zhentarim

 

Delaan "Ildur" Winterhound, Le ranger qui découvre le Valbise avec un œil neuf

 

Kri Shanu, Le moine qui plante la graine de la rébellion

 

 

 

Le chemin qui mène vers le mystère de la Draakhorn ramène les héros sur leurs pas le long de la route de Neverwinter. Ils retrouvent un Château Naerytar toujours bruissant d’activité où se dresse désormais l’ébauche d’une statue intitulée « Le héros du Nord et ses compagnons » mettant en scène une version frappante de ressemblance de Kri menant une troupe plus indistincte d’autres guerriers vers un flamboyant destin. Les amis du moine lèvent les yeux au ciel devant cette œuvre qui semble au contraire tout à fait satisfaire son commanditaire. Ils empruntent sans encombre le portail de la caverne du froghemoth qui a toutefois connu de nouveaux déboires depuis leur dernier passage, une invasion de vipère l’ayant rendu inopérant pendant plusieurs jours peu avant leur arrivée.

L’ancestrale magie de téléportation les dépose dans un endroit qui leur rappelle les souvenirs de leurs premières aventures. Les catacombes qui furent un temps la base arrière des forces du culte dans le nord sont désormais entre les mains du Zhentarim. Les autels de Tiamat et les tanières des kobolds ont été balayés pour laisser la place à un système de rails et de wagonnets qui apporte jusqu’au fond des grottes les lingots de minerais qui sortent des mines de Fireshear. Les aventuriers n'ont cependant pas le temps de s’appesantir sur cette fabuleuse logistique car aussitôt ils doivent poursuivre leur route vers le Valbise. La sensation de tourbillon propre au déplacement magique s’accompagne cette fois d’un froid glacial alors qu’ils se rematérialisent sur la copie de glace noire de la plateforme qu’ils viennent de quitter. Celle-ci se trouve toujours dans les sous-sols de Bryn Shander mais les caves exiguës de la maison du conseil ont été réaménagées en un vaste entrepôt desservi par une large rampe d’accès qui permet de gérer le va-et-vient des marchandises qui y transitent. Le comité d’accueil est dirigé par Chaldos Vedriga, le skymage qui menait le corps expéditionnaire du Zhentarim venu affronter l’armée d’Akar Kessel, devenu aujourd’hui l’administrateur du Valbise. Ses accolades amicales offrent un contraste tranchant avec la face de bulldog ombrageux de Tibor Gondorian, le patriarche de Baine qui semble lui aussi avoir pris résidence dans le nord. L’escalier qu’ils empruntent pour remonter à la surface confirme d’autant plus cette impression qu’il est décoré de fresques à la gloire du dieu des conflits et de la tyrannie, car la maison du conseil détruite par Arauthator a été remplacée par un monumental temple de Baine dont les tours écrasent de leur hauteur toute la ville qui s’étend maintenant en dehors des murs dans de malheureux faubourgs accrochés le long de la route. La ville elle-même resplendit pourtant d’une nouvelle prospérité. Les entrepôts qui avaient été incendiés ont été rebâtis et élargis, les murailles ont été renforcées et les habitants assemblés sur leur passage pour les applaudir semblent tout à fait contents de leur sort.



Une soirée protocolaire est donnée dans la grande demeure de Duvessa Shane qui reste la première porte-parole des Dix-Cités. Elle est sincèrement ravie de revoir ses sauveurs mais l’amitié qu’elle leur porte ne l’empêche pas de leur tenir un parfait discours de politicienne quant au nouveau statuquo du Valbise. Des Dix-Cités il n’en reste dans les faits plus que quatre. Caer Konig, Caer Dineval, Lonelywood, Bremen, Dougan’s Hole et Good Mead ont été abandonnées ; Targos n’est plus que l’ombre de ce qu’elle fut et ne subsiste que comme le port d’attache de la flotte de pêche de Maer Dualdon ; Termalaine profite toujours du micro-climat que ses sources chaudes lui procurent et est devenu le lieu de villégiature favori des plus privilégiés parmi les habitants du val tandis que ses fameux ateliers de sculpture d’ivoire de truite ont été délocalisés comme ceux des autres villages vers Easthaven où tout le produit de la pêche des trois lacs est centralisé pour être traité avant son expédition vers le sud ; Bryn Shander est le centre du pouvoir du Zhentarim qui détient maintenant de fait le monopole sur le commerce et dicte sa loi sans complexe sur toutes les communautés autrefois indépendantes du Valbise. Cette mainmise du réseau noir est le prix à payer pour la sécurité qu’il apporte. Les dépouilles des deux jeunes dragons blancs exposées sur l’esplanade du temple de Baine en sont un rappel permanent à la population. Helga Silverstream est également présente en tant que porte-parole de la vallée des nains. Son père a vieilli prématurément après la crise de la glace noire et lui a passé la main pour gérer les affaires de la petite colonie qu’il menait depuis des décennies. Les forges ont été rouvertes et produisent des cargaisons d’armes que le Zhentarim achète à bon prix. La demande ne fait que croitre et Chaldos Vedriga insiste de plus en plus pour obtenir l’autorisation de rouvrir les mines pour les exploiter lui-même. Helga refuse pour l’instant d’accéder à cette demande, mais si Mithril Hall ne lui envoie pas de nouveaux colons pour reprendre l’exploitation, elle finira sans doute par céder.

Mitann


Parmi le défilé des visages familiers venus les saluer pendant la soirée, les héros ont noté une absence notable. Mitann, la prêtresse d’Amaunator qui sert de contact aux ménestrels en ville, est semble-t-il devenue persona non grata. Le lendemain ils se mettent donc à sa recherche. La petite chapelle qu’elle entretenait a été fermée mais elle occupe encore la chambre qu’elle partageait avec Leosin. La joie de les revoir ne peut cependant couvrir la tristesse qui l’habite depuis que le Zhentarim s’est installé. Son culte a été interdit, au même titre que la vénération publique de tout autre dieu que Baine dont Tibor Gondorian veut faire la religion d’état à l’image de ce qui se pratiquait à Château Zhentil à la grande époque. Toutes les voix dissidentes ont d’ailleurs été mises au pas par le nouveau sbire mort-vivant du grand prêtre, une créature dont les méfaits nocturnes leur rappelle Derek, l’ancien capitaine de la garde de Morienus passé au service d’Akar Kessel après s’être échappé de la tour enfouie et qui avait été asservi par le bainite après son échec à mener l’attaque surprise des pirates du Lac Dinneshere pendant la seconde bataille de Bryn Shander. Tout le monde ne profite pas non plus de la même manière de la prospérité amenée par le Zhentarim et le nombre de pauvres gens n’a jamais été aussi important. Mitann fait de son mieux pour les aider dans les faubourgs. Les barbares reghed sont eux aussi divisés sur la question. Si Jarund a refusé de se soumettre et est reparti dans la toundra avec la majorité de la tribu de l’élan, une bonne partie des veuves et orphelins laissés par la guerre n’ont pas eu ce choix et sont condamnés à une vie de misère dans les ateliers d’Easthaven. Les quelques guerriers survivants des tribus de l’ours et du tigre ont renoncé à leur foi en Auril pour rejoindre les rangs des mercenaires envoyés vers le sud, aux côtés murmure-t-on de certains repentis issus des tribus d’orcs qui s’étaient rangées sous la bannière d’Akar Kessel. Kri est contrarié de la tournure qu’ont pris les choses dans son ancien foyer. Il décide donc de confier une partie de la fortune des aventuriers à Mitann afin qu’elle rebâtisse les bains qui abritaient autrefois la famille du moine et qu’elle en fasse un havre de paix et de liberté ont l’on pourra échapper à l’oppression des bainites grâce à la protection que l’implication des héros du nord dans sa reconstruction donnera au lieu. Ils ne pourront cependant pas rester en personne pour voir l’achèvement de ce projet car ils doivent poursuivre leur route jusqu’à la mer des glaces mouvantes où Arauthator a caché la Draakhorn. Mitann connait un homme qui pourra leur servir de guide, un ermite extrêmement vieux qui serait le dernier survivant d’une tribu perdue qui vivait autrefois sur la banquise, un homme du nom de Kinukki. Celui-ci les retrouvera aux Confins de Revel, la fameuse prison isolée à l’extrême nord de la côte des épées, dernier bastion connu de civilisation avant le grand inconnu des étendues de glace infinies du bout du monde. Les héros s’y rendront avec une véritable expédition polaire composée de trappeurs, de pilotes de traineaux, de porteurs et d’éclaireurs recrutés parmi le melting pot des chercheurs d’aventure qui se presse encore au Valbise et qui sont prêts à affronter les rigueurs du domaine d’Arauthator contre la promesse d’une solde à la hauteur des dangers qui les attendent.


lundi 29 mai 2023

La vengeance de Mad Maggie


Une aventure de Donjons & Dragons de niveau 14

 

Avec

 

 

 

Faerdhallarlasar "Rka" Muulkennirrhialiandeth, le drakéide qui se méfie des compagnons tombés du ciel

 

Ender Darowdryn, Le barde qui est poursuivi par ses cauchemars

 

Tengrim Copperplate, Le nain qui est un pilote catastrophique

 

 

Les héros et tous leurs amis ménestrels se sont réunis dans la demeure de Lady Haventree pour un dîner d’adieu en l’honneur d’Ender qui doit s’enrôler dès le lendemain parmi les Poings Enflammés pour suivre leur expédition vers Orogoth. Les convives font de leur mieux pour dérider le jeune homme mais celui-ci ne peut chasser totalement les réminiscences de ses cauchemars qui le hantent chaque jour un peu plus. Ce goût de cendre dans la bouche, ces volutes de brume tourbillonnantes, le hurlement des machines infernales, et toujours ce rire grinçant qui se rapproche chaque nuit un peu plus de son cœur et le laisse chaque matin un peu plus épuisé, son teint de plus en plus pâle, ses cernes de plus en plus marquées, ses yeux de plus en plus éteints. Les rires et le tintement des verres qui s’entrechoquent lui semblent de plus en plus lointains à mesure que la soirée passe mais la salve d’applaudissement qui célèbre l’arrivée des desserts le tire un instant de sa torpeur, assez longtemps pour comprendre que le charivari qui l’entoure réclame de sa part un discours. Les mots ont toujours été son arme préférée et il se lève pour les brandir contre le vertige qui le poursuit. Il lève son verre bien haut devant lui, esquisse un sourire bravache, prend une profonde inspiration et s’écroule de tout son long entre les pâtisseries. Ses amis se précipite à son secours et le découvre les yeux révulsés, l’écume au bord des lèvres. Les magies curatives de Tengrim comme de Rka s’avèrent impuissantes à le ramener à la conscience mais le soulagent au moins des convulsions qui agitent son corps.

Ender est amené à l’écart pour être examiné mais personne ne trouve d’explication à son état jusqu’à ce que Laeral Silverhand elle-même se penche à son chevet. Ses sorts de divination finissent par révéler que le barde est piégé dans un demi-plan de cauchemar et qu’il mourra si on ne l’en extrait pas au plus vite. Pour cela il faut que quelqu’un accepte de franchir la barrière du plan éthéré pour le rejoindre et affronter à ses côtés les horreurs qui le retiennent, en courant le risque de se retrouver lui aussi piégé loin du plan matériel et condamné à une mort certaine en cas d’échec. Il en faut cependant bien plus pour impressionner Tengrim et Rka qui se portent immédiatement volontaires.

On les installe donc sur des banquettes amenées de chaque côté du lit où repose Ender et Laeral puise dans son grimoire les enchantements nécessaires à propulser leurs formes astrales jusqu’à leur compagnon. Le nain et le drakéide se sentent flotter au-dessus de leurs corps jusqu’à se perdre dans une étrange brume iridescente dans laquelle ils perdent tous leurs repères avant de sentir à nouveau la gravité qui les entraîne dans une lourde chute sur une plateforme de métal cahotante. L’acier noir sur lequel ils se redressent est celui d’une des machines de guerre infernales qu’ils pensaient avoir abandonnées pour toujours en Avernus. Celle-ci creuse pourtant un sillon dans un sol de poussière rouge sang qui ressemble furieusement à celui des étendues désolées qu’ils ont arpenté en enfer. L’horizon en revanche est barré d’un mur de brouillard impénétrable d’où émerge derrière eux la frêle silhouette d’Ender, fuyant éperdument le hurlement de la chaudière d’une autre machine infernale encore cachée dans les brumes. Les héros arrêtent leur véhicule pour que leur ami puisse les rejoindre, mais comme ils l’aident à monter auprès d’eux, la voix ricanante d’une vieille femme l’interpelle.

« Tu pensais pouvoir m’échapper mon mignon, mais tes tours de passe-passe ont fait long feu, tu n’as plus de visages à sacrifier pour te cacher et je vais enfin reprendre mon dû, tu vas payer très cher pour avoir osé rouler Mad Maggie !!! »

La guenaude apparaît alors, hurlant un rire diabolique, perchée sur une monstrueuse machine de guerre hérissée de piques acérées et de lames rotatives, toute sa clique de serviteurs accrochée à la carlingue, des madcaps sautillants aux bonnets dégoulinants d’ichor au pathétique golem de chair démoniaque avalant en permanence ses propres intestins en passant par le crâne enflammé édenté qui survole ce tableau dantesque.

Tengrim se rue aux commandes de la machine pour remettre les gaz et tenter d’échapper à l’engin de mort qui leur fonce dessus. Mais dans son empressement il libère bien trop de puissance de la chaudière qui fait bondir le véhicule dans un tonneau incontrôlable. Les héros n’ont pas le temps de s’extraire de la carcasse broyée par le carambolage que Mad Maggie est déjà sur eux pour les réduire en charpie avec le rouleau compresseur hérissé de lames tournoyantes qui vrille à la proue de sa machine.

Rka et Tengrim se réveille alors en sursaut dans la chambre où Laeral les veille. Le cœur battant et tout en sueur d’avoir cru succomber à la rancune de la guenaude. Ils sont pourtant bien vivants mais comme Laeral les avait prévenus, ils ne sont pas indemnes. Leurs corps sont couverts d’ecchymoses à chaque endroit où les lames de cauchemar ont déchiré leur chair dans le demi-plan. Leur résolution ne s’en trouve pas ébranlée pour autant et ils demandent à Laeral de les renvoyer vers Ender une fois de plus. A nouveau ils franchissent la barrière éthérée pour tomber sur la machine de guerre infernale, mais cette fois ils ralentissent aussitôt pour permettre à Ender de les rejoindre. Le barde est en piteux état mais il n’a aucun souvenir de leur précédente tentative de sauvetage. Il se souvient en revanche plutôt bien de la manière de piloter les machines infernales et il prend les commandes sans hésitation. Le terrible engin de Mad Maggie émerge à nouveau des brumes pour les prendre en chasse mais Ender parvient à le maintenir à distance. Des crevasses emplies de lave commencent à strier le sol et l’oblige pourtant à des manœuvres de plus en plus compliquées pour ne pas perdre sa vitesse. Le chemin praticable se rétrécit pour bientôt n’être plus qu’une longue ligne droite coincée entre des flaques de magma bouillonnant au bout de laquelle les mécaniciens kenkus de la guenaude ont dressé un barrage en mettant deux machines en travers sur lesquelles trépignent d’impatience les madcaps avides de carnage. Ender ne ralentit pas, au contraire. Il vise avec soin l’espace étroit qui subsiste entre les deux machines qui lui bloquent le passage tandis que Tengrim actionne la baliste qu’il a découvert pour forcer les équipages ennemis à se mettre à couvert. Lancé à pleine vitesse la machine de guerre percute le barrage avec une force inouïe et réussit à le transpercer tel un boulet de canon en arrachant la majeure partie de son propre blindage au passage. Les quelques madcaps qui n’ont pas été projetés dans la lave saute sur la machine de leur maîtresse qui surgit à son tour sur la route. La poursuite continue à plein régime mais les dégâts subis en forçant le barrage diminuent les performances de la machine des héros. Mad Maggie gagne inexorablement du terrain. Rka tente de dresser un mur de force sur son chemin pour la ralentir mais Barnabas le crâne enflammé disperse sa magie d’un contresort et la troupe de Fort Knucklebone finit par les rattraper. Les lames tournoyantes de la machine de la guenaude s’enfoncent comme des crocs affamés dans le châssis de la machine des héros. L’éperonnage est le prélude à un abordage en règle. Une flopée de madcaps se jettent sur eux, leurs souliers de métal en avant, suivis de Mik le golem qui avance en se balançant tel un orang-outan sur la carlingue des machines pour aller capturer le barde. Mais les héros s’interposent. Tengrim esquive les jets de flammes vertes dont Barnabas le harcèle pour intercepter le golem. Tandis que Jotunbane creuse de profondes entailles dans la chair putréfiée, Rka impose aux madcaps le rayonnement implacable du courroux de Bahamut qui les brûlent les uns après les autres. Ender brandit sa gemme d’illumination en direction de Mad Maggie qui se trouve aveuglée par la lumière insoutenable de l’objet. 



Mais la guenaude n’a pas besoin de l’usage de ses yeux pour bombarder les héros de projectiles magiques qui trouvent seuls leur cible. Heureusement les boucliers d’énergie que Rka dresse sur leur passage en détourne une bonne partie, ce qui laisse le temps au barde de sortir sa baguette d’éclairs dont il vide le contenu sur Mad Maggie et ses sbires. Une paire de madcaps se retrouve éjectée et la guenaude elle-même subit les ravages de la foudre. Son golem en revanche se régale de ce soudain influx d’énergie qui renforce la magie impie qui anime son corps artificiel. Tengrim constate avec dépit que toutes les belles blessures que sa hache a infligées se referme comme si elles n’avaient jamais existé et que tout son travail est à refaire. Ender profite cependant du chemin que son sort a ouvert pour aller embrocher la guenaude aveugle et balafrée de brûlures électriques. Sa rapière s’enfonce sans peine dans les entrailles de Mad Maggie, mais au lieu d’un cri de douleur c’est un rire hystérique qui s’élève de la gorge de la guenaude. Elle saisit Ender à la gorge et le tire à elle sans prêter attention à la lame qui s’enfonce encore plus profondément dans son ventre. Elle l’amène tout contre elle et l’embrasse goulûment. Les yeux d’Ender s’écarquillent d’horreur en sentant toute sa force vitale irrémédiablement aspirée. Son corps semble se rétracter sur lui-même alors qu’il disparaît entre les dents jaunes de la bouche béante de la guenaude. Mais au lieu de la satisfaction d’avoir enfin pu capturer l’âme de celui qui lui avait dérobé son magot, c’est une expression de surprise et de colère qui se lit sur le visage de la Mad Maggie. Elle hurle et peste contre les manigances infinies du barde et appuie de toute sa force sur le frein de sa machine qui pile soudainement. L’arrêt est si brutal qu’il décroche la machine des héros qui va s’écrabouiller quelques rebonds plus loin contre un pilier de basalte. Tengrim et Rka ont réussi à sauter avant de se trouver à nouveau incarcérés dans l’épave fumante de leur véhicule aux côtés des quelques madcaps survivants qui s’y accrochaient encore. Couverts de poussière et de bleus, ils se relèvent pour reprendre le combat lorsqu’ils aperçoivent un cavalier surgissant des brumes pour venir droit vers eux. Chevauchant un fier destrier à la robe noire revêtue d’une couverture d’apparat outrancière brodée de fils d’or remontant jusqu’à l’encolure, l’homme est loin d’être un inconnu puisque le sourire moqueur qu’il adresse à Mad Maggie n’est autre que celui de Icham Adeth Alamnar, le premier avatar de leur compagnon que la guenaude n’a jamais connu. D’une main tendue, le nouveau venu tire Tengrim en selle derrière lui. Ils galopent à la suite de Rka qui a déployé ses ailes de platine pour foncer sur Mad Maggie. Le nain profite de l’élan donné par le cheval d’Icham pour sauter lui aussi dans la mêlée. Cet ultime assaut coordonné des héros est plus que n’en peut supporter la guenaude qui succombe sous leurs coups, brisant ainsi à jamais le lien qui la reliait à Icham. Libérés de l’emprise de son demi-plan de cauchemar, les héros chutent à travers le plan éthéré jusque dans leurs corps. A leur grande surprise ce n’est cependant pas la frêle silhouette d’Ender qui se redresse entre eux mais Icham dans toute sa splendeur. Pour apaiser les inquiétudes de Rka face à ce prodige, Laeral avance une hypothèse. 

le symbole sacré de Leïra


Le seul objet qu’Ender et Icham portent en commun est un petit pendentif en forme de symbole de Leïra, la déesse des brumes, des mensonges et des illusions, et Icham serait peut-être un de ses élus, ainsi qu’on désigne les mortels qui seraient destinés à accomplir la volonté divine sur le plan matériel où les dieux eux-mêmes n’ont plus le droit d’intervenir directement. Elle ignore cependant quelle pourrait être la volonté d’une divinité aussi compliquée que Leïra mais elle est quasiment sûre qu’Icham reste digne de confiance tant qu’il s’agira de continuer la lutte contre le culte du dragon.