samedi 14 octobre 2023


Au secours de la presse libre


Un individu capuchonné frappe à la porte de l’entrepôt De Boca, il semble inquiet, un peu perdu. Très vite vous apprenait tout de lui. Il se fait appeler Théophraste Renaudot et c’est le rédacteur en chef de la gazette des Divines et Savantes Pages, un ami de votre contact M. Pujol, arrêté avec Mamie Rose une semaine auparavant par les granbretons. Très rapidement, il vous raconte ses déboires sans les précautions auxquelles vous étiez habitués avec votre ancien contact. Ce pauvre M. Pujol, de son vrai nom Pierre de Johannes, est revenu traumatisé et mutique de son incarcération granbretonne et leur presse d’imprimerie a été confisquée. Théophraste, lui-même très inquiet de la situation, se cache à présent et a prétexté un voyage familial à Parye pour quitter son emploi de directeur d’une école REP. Il compte cependant continuer sa gazette et montre un enthousiasme communicatif à ce sujet. Il semble avoir d’importants soutiens qui continue à financer cette entreprise.

Théophraste vous propose de reprendre le contrat que vous aviez avec Pierre (une cire verte et du papier à en-tête spécial « De Boca ») plus une somme importante (100 PA) pour récupérer une autre presse qui végète depuis des années dans les entrepôts de la ville de Montalban (pour un ancien projet farfelu du défunt baron). Il est prévu depuis longtemps que la ville fasse don de cet appareil au consul de Granbretanne, et cette opération doit avoir lieu dans 4 jours. Vous acceptez, tout en poussant Théophraste à plus de discrétion et de précaution dans les échanges avec vous. Vous lui trouvez même un local à l’écart de la ville, près des briqueteries, pour y installer la presse et y imprimer sa gazette.

Vos nombreux contacts en ville, et en particulier Emile Ratsin, un ado malingre, chef d’une bande d’enfants des rues, vous aide à localiser précisément la presse dans le Palacio. Ce très grand et ancien bâtiment à moitié abandonné, appartient à la baronnie de Montalban et contient les administrations municipales. Il a même sûrement des fondations qui datent de l’âge d’or puisque le Tiube, une structure qui domine le pont de Montalban, commence ici. Votre objectif est démonté et entreposé dans de nombreuses caisses (l’appareil fait quelques tonnes), dans une pièce non surveillée, dans une aile peu fréquentée du bâtiment. Vous décidez d’un plan audacieux pour le subtiliser à la barbe des grandbretons.

Votre maître artisan, Fabrici Ecloud, vous fabrique un casque grandbreton de fourmi en bois peint qui vous permet de passer pour une équipe de l’ambassade de Tolosa. Un fausse lettre de mission, d’un stupéfiant réalisme, vous est procurée par Isidore, Fra Lippe se couvre du faux casque et d’une armure de plates et tous subtilement grimés vous vous présentez au portail du Palacio. Timon, un apprenti imprimeur des Divines et Savantes Pages, vous accompagne pour sa connaissance de l’appareil.

Votre audace dupe rapidement les miliciens de la ville qui vous autorisent à remplir votre chariot. Alors que vous êtes en train de faire le chargement dans la cour du bâtiment, un marchand d’esclaves de Montalban, Valéry Pec, accompagné de ses hommes de main, entre dans la cour et ne peut s’empêcher de venir saluer un émissaire grandbreton. Malgré tous vos efforts pour le congédier, il reste un long moment à discuter avec vous pour prendre des nouvelles. Votre mission ne semble pas tant l’étonner, car il sait que l’ambassadeur de Tolosa et le consul de Montalban sont un peu en désaccord. Malgré quelques frayeurs votre supercherie semble tout de même tenir face à lui. Après son départ, vous terminez votre déménagement (qui aura tout de même pris une bonne heure), et quittez le Palacio. Votre plan était de prendre une barge mais un imprévu le chamboule. Un son de cor connu de tous retentit : la grande débâcle du Tarn est annoncée.

Tous les ans en effet, au printemps, un verrou glaciaire aux sources du Tarn finit par lâcher et une immense quantité d’eau se déverse dans ses gorges jusqu’à Montalban. Le système d’alerte par cor, de village en village depuis les monts Pyreines, fonctionne cependant très bien et vous êtes prévenu quelques heures en avance. Toute la ville s’affaire alors à remonter les quais amovibles et les embarcations des bords du Tarn.

Cette fois cependant cela contrarie vos plans mais vous faites preuve de sang froid et traversez finalement la ville en chariot jusqu’à la planque que vous aviez prévu. L’affairement des habitants lors de la débâcle vous aide à passer en toute discrétion. Quelques heures plus tard, la ville est surprise d’apprendre que c’était une fausse alerte, sûrement un plaisantin dans le village voisin de Montalban.

Théophraste est plein d’enthousiasme à votre retour et vos conseils de prudence semblent avoir un impact limité sur sa personnalité. Mais l’opération est un franc succés et certains d’entre vous, emportés par son lyrisme peut-être, accepte de faire un peu partie de l’aventure éditoriale. Anton prend une part active dans le montage et le fonctionnement de la presse, Mamie Rose écrit une vieille recette familiale pour une nouvelle rubrique de la gazette et même Isidore s’essaie à la poésie, même si le manque de temps pousse son éditeur à lui faire retravailler ses rimes avant publication.

Entre temps, l’intendant Sigismond fait appel à vos services. Un navire venu de La Coruña est arrivé à Montalban et il espère avoir des nouvelles fraîches de De Boca. En effet, vos lettres l’y font séjourner depuis quelques semaines. A vous de retrouver ses marins et de les emmener au manoir De Boca pour qu’il les interroge. Vous esquivez de justesse les provocations de ces marins avinés et bagarreurs, et réussissez à utiliser l’avidité et la roublardise du capitaine spanyard, pour berner l’intendant. Chose rare de sa part, il vous remercie presque alors pour votre diligence.

L’aventure se termine sur la nouvelle gazette qui reparaît grâce à vous après une semaine d’absence. Deux nouvelles en particulier font parler d’elles, le barbier Savini, populaire patron de la confrérie des barbiers coiffeurs, annonce qu’il se présente aussi à l’élection du Lider Maximo, et Theophraste Renaudot sort de la clandestinité en signant la gazette de son nom.

mardi 10 octobre 2023

La Mer des Glaces Mouvantes

 


Une aventure de Donjons & Dragons de niveau 14

 

Avec

 

 

 

 

Icham Andeth Alamnar, Le barde qui aurait fait un merveilleux consort de dragonne

 

Kri Shanu, Le moine qui n’aurait pas dû toucher au trésor

 

Faerdhallarlasar "Rka" Muulkennirrhialiandeth, le drakéide qui s’interroge sur les croyances de ses compagnons de voyage

 

 

 

Grâce à l’ingénieux navire des glaces, il ne faut que trois jours pour rejoindre la côte au large de laquelle dérive Oyaviggaton au lieu des trois semaines prévues à l’origine. L’embarcation est remarquablement facile à manier, à condition de connaître les rudiments de la science arcanique qui permettent de se lier aux enchantements qui activent le gouvernail et tendent la voile triangulaire dans le vent. Ces quelques jours sont mis à profit pour faire plus ample connaissance avec l’équipage halruaan. Quoique les matelots semblent issus de milieux modestes, ils sont tous instruits tant dans les lettres que dans le maniement de la magie. Rka est également choqué de découvrir qu’ils ne sont absolument pas religieux. Leur vision très prosaïque de la place des dieux dans l’univers et leur absence totale de crainte du courroux divin sont presque ressenties comme une insulte à la relation directe que le paladin entretient avec son dieu. Le regard réprobateur qu’il porte sur les étrangers rejoint désormais le point de vue de Kinnuki. Le drakéide profite de ce rapprochement pour tenter d’en apprendre plus sur leur guide. Celui-ci est un fervent disciple de Valkur, obscur demi-dieu nordique qui n’a de cesse de défier les dieux destructeurs des tempêtes comme Umberlee, Talos et surtout Auril. Cette dévotion semble lui donner la force d’affronter les rigueurs de sa vie mais n’est pourtant pas l’origine de sa longévité exceptionnelle qui réside encore dans un autre secret qu’il se refuse à révéler. 

Pour rejoindre l’iceberg qui cache le repaire d’Arauthator, Kinnuki propose d’attendre d’apercevoir le kayak d’un groupe de chasseurs appartenant au clan d’ulutius que le dragon a asservi pour assurer le ravitaillement de son antre. Le reghed a déjà fait un peu de troc avec eux et pense pouvoir les convaincre de mener les héros jusqu’à Oyaviggaton. Le regard vissé sur le large, Kri annonce qu’il n’a besoin de personne pour retrouver le meurtrier de sa famille. Sa vigilance primitive lui suffit pour débusquer son ennemi juré. Rka et Icham joignent leurs talents pour rendre leurs compagnons invisibles avant de s’envoler au-dessus de la Mer des Glaces Mouvantes. Kinnuki reste en arrière car il ne souhaite pas se joindre à la vendetta du moine. L’apprenti de Radhael ne manque pas de remorquer cette scission du groupe d’aventuriers qui n’a pas l’air de correspondre au tableau dépeint par Icham qui faisait du vieil homme un membre du groupe à part entière. Il est trop tard pour que le barde apaise les soupçons de l’halruaan et c’est avec une pointe de regret qu’il lance son pégase dans la direction indiquée par Kri.



Un soleil éblouissant se reflète sur les morceaux de banquise brisés de toutes tailles qui s’entrechoquent dans les vagues en-dessous d’eux mais grâce à leur magie ils ne projettent aucune ombre sur la glace immaculée, contrairement au grand dragon blanc qui fend les cieux droit vers eux. Quoiqu’il soit de la même taille, il ne s’agit pas d’Arauthator mais d’une étrange femelle harnachée d’une haute selle où trône le cadavre momifié du mage qui la chevauchait autrefois et avec qui elle entretient encore une conversation animée. Icham profite du délire de la dragonne pour amener son pégase juste derrière elle et par un habile tour de ventriloquie se faire passer pour son cavalier décédé. Trop contente d’entendre à nouveau la voix de son compagnon, Arveiaturace ignore volontairement qu’elle n’a rien à voir avec celle qu’elle entend dans sa tête depuis des années. Icham la fait parler de sa visite à Oyaviggaton où Arauthator lui a offert Maccath l’écarlate pour cimenter leur union, en espérant que l’érudite remplace le cadavre ridicule que sa compagne s’acharne à conserver sur son dos. La dragonne hésite pourtant à dire adieu à son compagnon de toujours, même si c’est le prix à payer pour s’assurer une place de choix dans le nouvel ordre qui adviendra quand le retour de Tiamat anéantira les royaumes des mortels pour offrir le monde aux seuls dragons chromatiques. Distillant son fiel avec habileté, Icham accentue les doutes d’Arveiaturace sur les bénéfices de cette alliance et quand l’humeur de la dragonne a suffisamment viré à l’amertume pour qu’elle se réfugie dans un silence boudeur, il la laisse partir en priant pour que sa trajectoire ne l’amène pas à passer ses nerfs sur le navire halruaan qui les attend.

Ce détour a raccourci le temps qu’il reste aux héros pour approcher du repaire d’Arauthator en étant protégés par leur invisibilité. Il va leur falloir agir vite quand ils le découvriront. Peu de temps après, ils arrivent à destination. L’iceberg est une véritable montagne de glace flottante aux parois à pic. Son sommet plat est occupé par un minuscule village de quelques tentes assemblées de peaux de phoque tendues sur des os de baleine. 



Un escalier taillé dans la glace rejoint une étroite plateforme où sont amarrés quelques kayaks. Des chasseurs de retour d’expédition hèlent le village pour qu’on les aide à remonter leurs prises. Des gens sortent des tentes, hommes, femmes et enfants, tous vêtus des mêmes peaux fourrées de la tête aux pieds. Ils retirent les bâches qui protègent de la neige un treuil en bois qui a de toute évidence été amené ici depuis les terres civilisées du sud. En quelques minutes, les carcasses sont hissées et les chasseurs s’accroupissent autour pour les dépecer. Les héros font alors une entrée remarquée. A grand renfort de pyrotechnie magique, ils dessinent les contours d’un prétendu portail de téléportation. Ils en émergent en abandonnant leur invisibilité pour la remplacer par une apparence trompeuse concoctée par Icham leur donnant l’allure d’une délégation de dragonclaws en visite officielle auprès de leur allié draconique. Sous le regard immobile des chasseurs, ils pénètrent dans la plus grande des tentes du village. A l’intérieur ils sont accueillis par un silence pétrifié d’angoisse. Les femmes serrent leurs enfants contre elles pour se coller contre le fond de la tente tandis qu’un vieil homme s’avance avec déférence à leur rencontre. Il baragouine quelques mots de commun, juste assez pour comprendre que les héros veulent voir le dragon. Convaincu par la suggestion de Rka, il écarte alors les peaux qui jonchent le sol pour révéler une trappe enchâssée dans la glace. De là un étroit escalier descend dans les profondeurs obscures de l’iceberg. A pas feutrés les héros explorent le complexe creusé dans la glace en prenant bien garde de toujours rester hors de vue de ses habitants. Non loin de l’entrée on peut déjà entendre des kobolds qui se chamaillent tandis qu’à l’autre bout du couloir, derrière un épais rideau, d’étranges coassements leur parviennent étouffés derrière un épais rideau, évoquant à Kri le langage des crapauds des glaces qui vivraient dans les cavernes gelées de l’épine dorsale du monde. Icham inspecte un puits qui plonge encore plus profondément sous leurs pieds mais son serpent ailé dont il a emprunté les sens doit renoncer à ses investigations avant d’avoir touché le fond tant le froid devient mortellement intense à mesure qu’il descend. Un peu plus loin, d’autres kobolds soufflent et soupirent en accomplissant une tâche qui leur semble particulièrement rébarbative qu’un certain Marfulb leur a assignée. Suivant un couloir de traverse, Icham détecte une discrète lueur filtrant entre les pans d’une tente de peaux nichée dans une petite grotte. Le froid y est moins mordant qu’ailleurs et les deux trolls à la fourrure bleu sombre qui y montent la garde suent à grosses gouttes. 



Cependant c’est une autre pièce qui attire l’attention des héros. Aussi large que toutes les autres cavernes réunies, un énorme hall bordé de piliers cyclopéens sert de lieu d’exposition aux plus impressionnants trophées d’Arauthator. D’un côté, une pieuvre géante étend encore ses tentacules vers une troupe d’abominables yétis dont les hurlements hypnotiques sont eux aussi à jamais figés dans la glace. Au cœur d’une des massive colonne, un trio de remorhazs se dresse jusqu’au plafond dans une élégante triple hélice. Les murs regorgent d’œuvres d’art rarissimes dont l’éclat rivalise avec les auras magiques qui émanent des bijoux et des armures prisonnières de l’iceberg. Le clou de cette collection est sans contexte un antique navire elfique capturé sans doute même bien avant qu’Arauthator ne s’empare d’Oyavigatton car son équipage encore parfaitement préservé par le froid est constitué d’avariels, ces mythiques elfes ailés qui disparurent il y a des milliers d’années en se sacrifiant pour briser l’empire des dragons sur le monde et permettre à leurs frères de fonder leurs royaumes. Un large tunnel a été creusé dans le mur jusqu’à la coque du navire. La cale a été éventrée pour en sortir sa gigantesque cargaison qui pourrait bien être la fabuleuse Draakhorn grâce à laquelle le culte de Tiamat est en passe d’assurer son hégémonie sur le genre draconique. Kri concentre son ki pour se frayer un passage jusqu’au pont du bateau mais ce faisant il libère le gantelet d’un des avariel qui glisse d’à peine quelques millimètres, mais cet infime mouvement suffit à réveiller le maître des lieux dont le déplaisir suffit à faire trembler toute son antre signifiant aux indélicats qui ont osé toucher à son trésor que leur châtiment sera terrible.