mardi 25 juin 2019

Le gardien du Nexus




Une aventure de Donjons & Dragons de niveau 9

Avec


Tengrim Copperplate, Le nain qui fait office de juge et de bourreau  

Finnlay Galindan, Le druide qui sait sûrement apprécier une bonne histoire 

Kri Shanu, Le moine qui ne connait plus la pitié 

Ildur Main d’Airain, Le ranger qui essaie de chasser le masque de ses pensées  



Le fracas des combats s'est enfin tu sur Château Naerytar. Seuls les coassements pathétiques de Pharblex résonnent encore dans les couloirs vides, implorant ses geôliers hommes lézards de renoncer à leurs tortures. Le sort cruel du bullywug n'émeut pas pour autant les aventuriers qui sont bien persuadés qu'il aurait fait pire si les rôles étaient inversés. Mais le shaman détient peut-être encore quelques informations utiles et Ildur va donc négocier un sursis à son exécution le temps de l'interroger. Snapjaw, qui a pris le commandement de sa tribu grâce à son rôle crucial dans la libération du château, accepte avec réticence d'épargner Pharblex pour encore quelques heures, cédant devant l'autorité de Voaraghamanthar dont les héros sont encore investis. L'homme crapaud est dans un piteux état, couvert de plaies sur tout le corps, l'un de ses bras a été brûlé jusqu'à l'os et une humeur noirâtre suinte de son œil crevé. Espérant avoir un dernier coup à jouer pour survivre, il tente de négocier sa coopération contre son salut. Mais dans son empressement à prouver la valeur de ses informations, il en révèle plus qu'il ne l'aurait du.  Il mentionne ainsi la venue de deux visiteurs d'importance au château dans les derniers mois. Le premier est un sorcier rouge auquel Azbara Jos semblait obéir. Il a résidé quelques semaines auprès de Rezmir peu avant que les aventuriers n'entament leur périple vers le Valbise. La description du second ne laisse pas de doute, il s'agit sans nul doute de Neronvain, le wyrmspeaker vert, amant de Talis et géniteur de Finnlay. Il fut le premier à franchir le portail qui amena le culte dans la région et c'est par son entremise que les bullywugs acceptèrent de collaborer. Sa dernière visite fut en revanche extrêmement brève et son entrevue avec Rezmir des plus glaciales. Les histoires de Pharblex se font ensuite de plus en plus balbutiantes à mesure qu'il affabule pour prouver son utilité. Les aventuriers l'abandonnent finalement à son sort, ses ultimes suppliques n'ayant pas su attirer leur pitié. 

Dralmorrer Borngray

Ils se tournent à présent vers leur second prisonnier dont l'interrogatoire s'annonce bien plus prometteur. Dralmorrer Borngray semble en effet bien plus au fait des manigances des maîtres du culte, sa position de commandant du château lui ayant permis d'assister aux premières loges aux rencontres entre Rezmir et ses nombreux visiteurs. Afin de mettre toutes les chances de leur côté, Tengrim tente d'imposer une zone de vérité autour de Borngray mais la volonté inébranlable du fanatique ne plie pas devant la magie cléricale, il restera libre de mentir si tel est son bon vouloir. Le charme magique de Finnlay est tout aussi inefficace et ses incantations ne font rien pour effacer l'air de dégoût viscéral qu’affiche Borngray dès qu'il voit le demi-elfe. Renié par ses pairs, déchu de ses titres de noblesse d'Evereska, l'elfe ne vit plus que pour la haine et le mépris que lui inspirent les races inférieures que les princes d'éternelle rencontre ont laissé infester le monde depuis la fin des guerres de la couronne. Ces milliers d'années de renoncement et de mésalliances ont conduit selon lui à la corruption irrémédiable des terres de Faerun et comme son peuple rendu faible par ses compromissions avec les humains n'a pas le courage d'agir, il n'a eu d'autre choix que de se tourner vers des puissances plus dangereuses pour nettoyer la souillure que les siens refusent de voir, quitte à se sacrifier pour y parvenir. Il s'est donc rallié aux promesses de Severian de déchaîner le pouvoir de Tiamat sur la côte des épées. Ses talents de bladesinger lui permirent de gravir rapidement les échelons jusqu'à se voir confier le commandement de Château Naerytar aux côtés de Rezmir. Cette proximité avec la wyrmspeaker n'a pas pour autant fait d'eux des amis et c'est toujours avec le même fiel qu'il évoque ses plans de se servir de Skyreach Castle pour affamer Eauprofonde, ricanant des inquiétudes des aventuriers concernant Voaraghamanthar qu'il soupçonne d'être bien soulagé d'être débarrassé de la présence de l'engeance de son plus grand rival aux portes de son domaine. Il leur confirme aussi que l'homme auquel Azbara Jos obéit est bien Rath Modar, le créateur du portail de glace noire de Bryn Shander, et que tous deux sont effectivement des sorciers rouges de Thay. Son air s'assombrit après ces dernières confidences et ses railleries sont éteintes par une soudaine vague d'amertume. Il ne parlera plus maintenant et il enjoint sans trembler les héros à exécuter son inéluctable condamnation qui le renverra enfin dans les forêts féériques d'Arvandor où il pourra savourer la satisfaction du devoir accompli. Tengrim ne se fait pas prier pour l'obliger et après lui avoir rappeler les crimes qui l'ont conduit sur le billot, il le décapite d'un coup net. Le malheureux Pharblex n'a pas la chance de connaître une fin aussi digne. Les cris que lui arrachent ses ultimes supplices durent une bonne partie de la nuit avant de s'éteindre dans un dernier gargouillis. 
Au matin la majeure partie des hommes lézards s'est éclipsée. Les aventuriers réquisitionnent donc sans attendre ceux qui restent pour les atteler à la dernière tâche déplaisante qu'ils doivent accomplir avant de quitter les lieux. Les cobayes de Rezmir n'ont pas survécu à l'interruption de leur processus de transformation. Leurs corps déformés doivent donc être hissés un par un depuis le sous-sol pour pouvoir leur offrir une sépulture décente, même si certains ne l'ont peut-être pas mérité. Tout cela prend encore une journée et c'est donc le lendemain seulement que les héros laissent à leur tour derrière eux la coquille vide de Château Naerytar, retourné à l'état d'abandon dans lequel le culte l'avait trouvé. 

Ils retrouvent les traces du passage d'Azbara Jos dans les entrailles de la caverne du froghemoth. A côté de la carcasse du monstre, l'embarcadère a été réduit en cendres. Kri façonne une barque de glace pour remplacer celles qui gisent au fond du lac. Sur la grève au bord de la plateforme de téléportation, les cadavres calcinés des bullywugs asservis par le Crinti resteront à jamais muets sur la destination que le sorcier a pu emprunter après les avoir incinérés d'une de ses boules de feu. Les héros ne s'attardent pas sur ce macabre spectacle et s'organisent en position défensive autour de Finnlay qui trace de son sang la rune d'activation sur le pylône central. Un vertige familier les saisit alors qu'il bascule dans le tourbillon interdimensionnel qui les dépose très loin à l'Est des marais, quelque part entre les pics gris et le grand désert d'Anauroch. 

Trepsin le garde-chasse troll

Ils se rematérialisent au milieu d'une forêt étouffée de brume accrochée à flanc de montagne. Derrière les arbres décharnés tout couverts de mousses sombres, on distingue d'autres plateformes antiques desquelles partent des chemins forestiers qui convergent vers une route qui serpente en descendant dans la vallée. L'étrange silence qui les entoure est rompu par le froissement de la cape humide de l'inquiétant personnage qui semblait attendre leur arrivée. A sa silhouette imposante et au long nez pustuleux qui émerge de sa profonde capuche, Tengrim l'identifie immédiatement comme un troll. Malgré la grande hache à double tranchant sur laquelle il s'appuie, il ne fait montre d'aucune hostilité à leur égard. Il se contente de leur transmettre d'une voix rauque l'invitation de son maître. Il leur tend à chacun une capeline de velours éliminé dégageant une légère odeur de moisissure sous lesquelles ils leur demande de se dissimuler pour éviter les questions gênantes. Aussi déroutant que soit cet accueil il ne semble pas cacher de pièges et les aventuriers emboitent donc le pas du troll. Quelques virages plus loin, ils aperçoivent leur destination. Sur les pentes qui leur font face, les tours effilées d'un palais décrépi projettent leurs ombres sur un modeste village de montagne en contrebas. Sur le chemin, ils croisent un groupe de cultistes qui en reviennent, tirant derrière eux une charrette vide. L'attention des dragonclaws qui les accompagnent se porte sur les aventuriers, cherchant de toute évidence à deviner l'identité de ces mystérieux visiteurs, mais un simple grognement du troll les dissuade de poser la moindre question à leur sujet. 
Vu de près le château semble presque abandonné malgré les ombres furtives qui apparaissent à quelques-unes de ses fenêtres. Tengrim reconnait le style désuet de l'architecture everaskane sous le lierre qui mange le granit noir des murs. L'endroit a de toute évidence connut son heure de gloire mais celle-ci est passée depuis bien longtemps. Alors qu'ils passent le sinistre porche, ils aperçoivent un jeune elfe au teint pâle qui observe leur arrivée depuis l'ombre du rempart qui les surplombe. Le garde-chasse troll les mène à travers un dédale de couloirs le long desquels s'alignent luxueuses tentures aux couleurs fanées, trophées de chasse poussiéreux et rangées d'armures vides corrodées par le temps. Leur guide laisse derrière lui une légère odeur d'humidité mêlée d'une pointe de souffre qui combinée à l'atmosphère stagnante du lieu laisse une désagréable impression de nausée aux aventuriers qui le suivent. 


Ils arrivent enfin au cœur du château devant les portes couleur lie de vin d'une grande salle de réception. Une multitude de bougies et de chandeliers étire les ombres d'un fabuleux amoncellement de mets sur l'immense table de banquet qui y a été dressée à leur attention. Pourtant aussi fabuleux que ce festin puisse être, il est tout sauf appétissant. Les sauces ont figé sur les rôtis froids, les raisins écrasés sous le poids des grappes commencent à pourrir, les vins dans leurs carafes de cristal ont bruni d'avoir été gardés trop longtemps et même les pâtisseries semblent rances sous leurs glaçages brillants. Appuyé contre le linteau de marbre sculpté de la cheminée éteinte se tient leur hôte, un elfe à l'allure aristocratique, ses longs cheveux d'argent cascadant sur ses robes somptueuses brodées de pierreries et d'arabesques complexes qui furent sûrement en vogue quelques siècles auparavant. Le troll se racle la gorge bruyamment pour tirer son maître de la rêverie dans laquelle l'a plongé sa contemplation des cendres noires dans l'âtre à ses pieds. L'elfe tourne alors vers les aventuriers un visage sans âge éclairé d'un chaleureux sourire aux canines proéminentes. Il leur souhaite la bienvenue d'une voix enjouée et les invite à se délecter du modeste souper qu'il a fait préparer en leur honneur. Il se présente comme Sandesyl Morgia, dernier héritier de la famille du même nom, prince d'Everaska mais avant tout porteur de pourpre et ami personnel de Sammaster, le légendaire fondateur du culte du dragon dont il chérit toujours l'enseignement contrairement aux tiamatistes de Severian qui se sont détournés de la vraie doctrine ;

« Et il ne restera rien que les trônes fracassés des rois. 
Morts, les dragons régneront sur le monde » *

Il commente avec condescendance l'interprétation erronée des paroles de Maglas que fait le prophète autoproclamé car il lui semble risible de vouloir participer à la conquête du monde par des dragons vivants pour seulement ensuite les convertir en dracoliche alors qu'il est évident que la mort des dragons doit être un préalable impératif à leur domination éternelle. Il désapprouve tout autant les maniérismes des adorateurs de Tiamat qui sont en train de se substituer au cérémoniel traditionnel du culte et il soupire en regrettant le temps glorieux où son cher ami Naergoth Bladelord était aux commandes. Quelle tristesse que le Seigneur des lames soit maintenant cantonné à la garde du Puits des dragons ! Quel gâchis de mettre ainsi à l'écart un si grand homme ! Sandesyl ne cache pas le mépris qu'il éprouve pour les tenants de la nouvelle direction du culte. Seule Talis échappe à son jugement cruel, la beauté de sa relation avec Arauthator l'émeut au plus haut point et il lui pardonne même sa dévotion à Tiamat, d'autant qu'elle suit la tradition nordique de cette dernière et non l'orientale prônée par Severian et avec laquelle le culte fut en concurrence pendant des siècles avant la ruine d'Unther et de Chessenta. Le sujet du dragon blanc le lance dans une digression pleine de lyrisme sur son unique visite à Oyaviggaton, l'antre septentrionale du grand ver, dans les entrailles de laquelle il eut le privilège de contempler les restes prisonniers de la glace de la flotte avariel qui convoya la mythique Draakhorn qui devait venir briser le siège du funeste mythal de dracorage. 
Sur Rezmir il a beaucoup moins de compliments à faire malgré l'illustre lignée de dragons noirs dont elle descend et qui règne encore sans partage sur les Hautes Landes. Il regrette d'ailleurs que sa fratrie soutienne son projet d'édifier le grand temple de Tiamat, mais il soupçonne que leurs accointances avec les hordes démoniaques de Dragonspear ont altéré leur jugement d'une certaine manière. Il se gausse d'ailleurs de l'idée saugrenue de la demie-dragon d'avoir conclu un pacte avec des géants pour obtenir l'usufruit de leur forteresse volante, alliance d'autant plus risible que Blagothkus et son clan seraient des nostalgiques d'Ostoria, le défunt empire gigantique contre lequel luttaient déjà les dragons avant même l'arrivée des elfes sur ce monde. La menace que représente Skyreach Castle n'en reste pas moins réelle et elle ne va faire que gonfler à mesure que Rezmir recrute de jeunes dragons prêts à embarquer dans ses cales, que ce soit ses frères ou bien l'engeance d'Iymrith qui pullule dans la bordure du grand désert d'Anauroch. Ceci fait elle frappera un grand coup en attaquant Goldenfield, l'immense complexe de Chauntea la déesse de la fertilité dont les champs et les vergers approvisionnent le Nord de leurs récoltes miraculeuses en toute saison. Elle espère ainsi semer le trouble parmi les grandes cités de la côte qui se trouveraient soudain en concurrence pour sécuriser les greniers restant avant que leurs populaces affamées ne se retournent contre elles.  

Sandesyl en habit de porteur de pourpre

Sandesyl s'arrête alors sur le visage de Finnlay, interloqué par la ressemblance du jeune homme avec un autre des wyrmspeakers qu'il a bien connu. De son propre aveu, Neronvain est une ordure de la pire espèce, pourtant il ne peut s'empêcher d'admirer son esprit tellement brillant. L'elfe est en effet le seul à être parvenu à décrypter les arcanes du fonctionnement des fameux portails sur lesquels la famille Morgia veille depuis des millénaires. C'est grâce à lui que le culte a connu son regain en unifiant à nouveau les cellules éparses qui végétaient aux quatre coins du continent depuis la disparition de Sammaster au siècle dernier. Le wyrmspeaker vert est aussi doté d'un humour féroce et Sandesyl ne peut s'empêcher de relater une de ses anecdotes les plus cocasses dans laquelle il parvint à manipuler une bande de sauvages adorateurs de la lune au fin fond des îles Sélénae, allant même jusqu'à engrosser leur prêtresse uniquement pour avoir accès aux ruines hébergeant l'un des antiques portails après leurs ébats, pied de nez hilarant qu'il est sûr que Finnlay doit apprécier à sa juste valeur puisque lui-même est un sang mêlé. 
Pour briser le froid que jette cette plaisanterie, Ildur interroge leur hôte sur Rath Modar. Sandesyl sait peu de choses sur lui, si ce n'est qu'il est une sorte de dissident thayen qui a amené toute une clique de mécontents qui espèrent profiter de leur alliance avec les tiamatistes pour se lancer dans un nébuleux projet de coup d'état contre Szass Tam, la tout puissante liche qui règne sur le pays des sorciers rouges. 
La conversation est alors interrompue par le jeune homme au teint livide qui avait observé leur arrivée dans le château. Il vient prévenir son seigneur que les villageois lui ont amené une jeune fille qui l'attend dans ses appartements pour qu'il puisse se sustenter. Sandesyl se lève pour prendre congé en souhaitant bonne chance aux aventuriers dans leurs projets de contrecarrer les plans de Rezmir. Ils sont libres de retourner vers les portails dans la forêt mais s'ils préfèrent tenter de rattraper Skyreach Castle avant que la forteresse quitte la région, il peut mettre à leur disposition quelques-unes des wyvernes qu'il entretient pour le compte du culte. 

Délaissant le festin rance de leur hôte, les héros suivent le jeune mignon de Sandesyl vers les perchoirs sombres où les attendent leurs montures, tout en se demandant par quel stratagème ils parviendront à vaincre les forces qui se rassemblent dans la sinistre forteresse volante.

1 commentaire:

Tom a dit…

* Bien sûr Elminster et les autres critiques du culte du dragon insisteront sur le fait que l'absence totale de ponctuation du texte originale a poussé Sammaster à une erreur dans sa traduction et que la césure devrait être décalée vers la droite pour donner la version suivante :

« Et il ne restera rien que les trônes fracassés des rois morts,
Les dragons régneront sur le monde »