mercredi 1 décembre 2021

Le Bal des Hypocrites

 


Une aventure de Donjons & Dragons de niveau 12

 

Avec

 

 

Kri Shanu, Le moine qui neutralise toujours l’adversaire le plus dangereux


Ildur Main d’Airain, Le ranger qui découvre qu’on le connait sous un autre nom

Arias Letho Mortegueule, Le chasseur de mage qui se mue en as de la cambriole

 

Faerdhallarlasar "Rka" Muulkennirrhialiandeth, le drakéide qui ne supporte pas de laisser un innocent se faire maltraiter

 

 

Les bruits de la fête commencent à leur parvenir depuis le grand hall. Le brouhaha de la musique, des rires et des verres qui s’entrechoquent est interrompu à intervalle régulier par un tocsin qui annonce l’arrivée d’un invité prestigieux dont la présence est accueillie par une salve plus ou moins nourrie de vivats selon le prestige attaché au nom du nouveau venu. Le rythme auquel les mets doivent sortir des cuisines s’accélère bientôt suffisamment pour que les serviteurs désertent le cellier pour se concentrer sur le service des convives de plus en plus nombreux qui s’abattent sur le somptueux buffet comme une nuée de sauterelles. Les héros en profitent pour s‘extirper des tonneaux dans lesquels ils étaient cachés. Tandis que ses compagnons font de leur mieux pour défroisser les tenues chamarrées qu’ils ont endossées pour se fondre dans la masse des invités, Ildur procède à une reconnaissance rapide des larges caves au fond desquelles ils se trouvent. Non loin de l’escalier qui mène aux parties communes, il remarque qu’une trentaine de pauvres gens attendent timidement devant une grande table montée sur tréteaux qu’on leur serve le repas dont les propriétaires des lieux ont promis de leur faire la charité. Le ranger se plaque dans l’ombre alors que d’autres malheureux arrivent encore, menés par un garde de la maison Gant dont le visage lui est étrangement familier. Il est sûr d’avoir déjà rencontré cet homme mais il lui est impossible de se souvenir dans quelles circonstances. Il en est si troublé qu’il sursaute quand Arias apparaît à ses côtés pour lui demander si la voie est libre. Le chasseur de mage n’attend pas sa réponse pour le dépasser et s’engouffrer dans l’escalier désormais vide et rejoindre la fête qui bat son plein. 



Une foule bigarrée de courtisans se presse partout dans la gigantesque demeure sous la diligente surveillance des nombreux gardes de la maison. Après s’être assuré qu’Albrecht était englué dans un essaim de flagorneurs à l’autre bout du parc, Arias déroule discrètement un parchemin dont la magie lui permet de prendre l’apparence exacte de l’aristocrate. Ses talents de comédiens hors pair rendent la tromperie encore plus indécelable et il se dirige donc sans hésiter vers les appartements privés du vieil homme. Les gardes qui interdisent l’accès à l’étage sont surpris de voir leur maître se présenter devant eux mais l’humeur ombrageuse que l’imposteur affiche ostensiblement suffit à les dissuader de lui faire part de leur perplexité. Arias les écarte d’un air agacé avant de monter l’escalier jusqu’à la porte hermétique dont seul Albrecht possède la clé. Malgré ses talents de crocheteur, la serrure s’avère plus difficile que prévu à forcer. Le chasseur de mage doit simuler une vue troublée par un excès de vin pour maîtriser les soupçons des hommes de faction suffisamment longtemps pour enfin parvenir à ouvrir la porte. La chambre qu’il découvre derrière est d’un luxe qu’il a rarement contemplé. Les draps sont faits des étoffes les plus rares, les meubles sont sculptés dans les bois les plus exotiques et partout brillent les chandeliers d’or et d’argent.  Le petit bureau attenant renferme les documents les plus confidentiels du priakos de Gant. Les rapports de caravaniers et les livres comptables font état d’une prospérité remarquable en ces temps troublés, les convois de marchandises qui transitent d’une manière ou d’une autre entre les mains des Gant se trouvant comme par hasard absolument épargné par les attaques qui rendent les routes impraticables pour ses concurrents contraints  d’investir des sommes si conséquentes pour assurer la protection de leurs biens qu’il n’y a guère plus que le Zhentarim qui ose encore se lancer dans l’aventure. Les documents vraiment compromettant, ceux qui pourraient prouver que toute cette manne n’est due qu’à la complicité du culte du dragon, sont en revanche bien à l’abri du formidable coffre lantanais qui trône au fond de la pièce. Les prêtres de Gond qui l’ont façonné l’ont doté d’une serrure incroyablement complexe et ses parois d’adamantine sont impossibles à percer, sans parler des multiples couches de glyphes de garde qui achèvent de rendre le coffre inviolable. Arias renonce à tenter de le forcer et se contente d’empocher quelques documents qui atteste de l’étonnante bonne fortune du priakos avant de retourner se fondre dans la foule. Son retour passe d’autant plus inaperçu qu’à ce moment les tocsins sonnent à tout rompre pour annoncer l’arrivée de l’invité d’honneur de la soirée, le seigneur découvert d’Eauprofonde lui-même, Lord Neverember. Son grand ami enfin à ses côtés, Albrecht convoque l’assistance devant l’estrade installée dans le parc pour y délivrer son discours du soir. Après avoir copieusement complimenté Neverember, il annonce que la générosité de ses hôtes permettra de nourrir des centaines de miséreux dont un échantillon trié sur le volet pour être pathétiques sont pour autant être repoussants est amené à défiler devant l’assistance ravie de se racheter une conscience à si peu de frais. Albrecht descend enfin de la scène sous une salve nourrie d’applaudissements avant d’aller donner l’accolade à Neverember et de se retrouver enseveli sous une marée de courtisans désespérément en quête de la moindre des faveurs des deux puissants seigneurs. Arias profite du mouvement de foule pour emprunter l’apparence de Thurstwell et entrainer Ildur à sa suite vers la dépendance où les fils Gant ont leurs chambres. Le garde en faction devant la porte s’écarte respectueusement devant eux, mais alors qu’Arias le dépasse sans lui accorder le moindre regard, l’homme adresse dans son dos un signe de menton complice à Ildur comme s’il saluait un vieux camarade. La fouille de la dépendance ne révèlera rien de plus, mais Arias en profitera pour subtiliser la réserve de Ziran de Thurstwell en espérant que le manque finira par le conduire à se trahir.

Pendant ce temps au sous-sol, les miséreux sont enfin autorisés à entamer leur repas. Mais la soupe qu’ils avalent goulûment a un effet bien étrange sur eux. Leurs yeux deviennent encore plus vitreux qu’à l’accoutumée et les balancements de leurs corps las se synchronisent peu à peu comme ceux d’un bon troupeau. Rka ne peut en supporter plus et il décide d’intervenir pour tenter de soustraire les malheureux à l’emprise du culte. L’homme en charge de la distribution s’interpose mais le drakéide l’arrête de son autorité divine pour lui suggérer de plutôt se joindre à ses victimes pour déguster un bol de la crémeuse décoction qu’il leur offre. Quand Arias et Ildur reviennent, le garde est déjà profondément sous l’emprise de la drogue qui le rend particulièrement réceptif aux questions des héros. Il leur confirme que les centaines de pauvres gens qui seront amenés au cours de la soirée seront tous guidés à travers Montprofond jusqu’à Skullport où des navires les attendent pour les emporter en esclavage bien au sud vers le Calimshan où Galvan, le wyrmspeaker bleu, doit les prendre en charge. Son récit s’interrompt abruptement quand il reconnait Ildur.

« Davren », lui dit-il, « que fais-tu ici ? ne devais-tu pas être stationné dans la Grande forêt ? quelque chose ne va pas avec Neronvain ? ».

Le ranger est aussi consterné par les propos de l’homme que ses compagnons, mais ces paroles resteront mystérieuses car l’esprit du garde s’embrouille de plus en plus et ses réponses se font bientôt totalement incohérentes.

Maintenant qu’ils ont découvert les plans du culte, les héros se décident à passer à l’action. Ils fendent la foule des miséreux hébétés pour s’engouffrer dans le passage secret à travers lequel les malheureux seront poussés vers leur triste destin. Le large escalier de pierre qui descend vers les souterrains cachés est nimbé de curieuses lumières colorées. Approchant avec la plus extrême discrétion, ils découvrent qu’une grande chapelle dédiée à Tiamat se cache ainsi sous le manoir. 



Des statues des cinq familles de dragons chromatiques se dressent sous les arches qui ornent les murs, chacune irradiant d’une lumière correspondant à la couleur du dragon qu’elle représente. Au centre se dresse un autel au-dessus duquel trône la figure de la déesse elle-même. Sous son ombre terrifiante, un dragonclaw de haut rang palabre à voix basse avec un mercenaire elfe noir à l’air cruel. Une douzaine d’autres cultistes masqués patientent aussi entre les bancs alignés de part et d’autre de l’allée centrale. Profitant de l’effet de surprise, les héros lancent une attaque dévastatrice sur les esclavagistes. Une puissante boule de feu de Rka balaie presque tous les dragonclaws tandis que les tirs croisés des flèches d’Ildur et des éclairs d’Arias abattent leur chef dans la foulée. Seul l’elfe noir réussit à échapper à l’assaut initial en se servant de ses complices comme boucliers humains mais il est intercepté par Kri dont les coups l’étourdissent avant qu’il ne puisse fuir. Ses instincts de bretteur sont cependant si aiguisés que, même chancelant, il parvient encore à esquiver l’une après l’autre les flèches d’Ildur. Les murs se mettent alors à trembler alors qu’un grondement de colère semble sortir des cinq gorges de la statue de Tiamat. Comme en réponse au courroux de leur divinité, les dragons de pierre qui entourent la salle s’animent et se jettent sur les héros. Le bleu et le vert s’attaquent à Kri qui doit délaisser le drow pour se concentrer sur sa propre sauvegarde. Arias attire sur lui le rouge par ses irrésistibles provocations. Ildur se met hors de portée en grimpant lestement vers le plafond grâce à ses chaussons de pattes d’araignée. Le noir et le blanc se désintéressent donc de lui pour reporter leur attention sur Rka et la violence de leur coups à son encontre est décuplée par la haine millénaires qui anime leurs divinités respectives. De son perchoir, le ranger ajuste l’elfe noir alors qu’il s’apprête à rejoindre l’escalier. Cette fois ci son trait fait mouche et le mercenaire s’effondre. Mais il réserve une ultime ruse à celui qui l’a abattu. Alors qu’il bascule vers le sol, sa main se crispe dans un dernier geste autour d’une fiole de cristal. En se brisant elle libère une minuscule créature qui commence à grandir à une vitesse étourdissante. Ses grandes pattes chitineuses se déploient sous un abdomen bulbeux mais là où devrait se trouver les crochets de l’araignée géante se dresse à leur place le torse d’ébène d’un drow au regard fou. Il brandit deux lames crantées en direction d’Ildur avant de lui aussi s’engager à la verticale le long du mur pour engager un combat perpendiculaire à celui qui fait rage entre les débris de la chapelle. 



Les coups des héros semblent ne faire que peu de dégâts aux statues animées. A l’inverse les griffes des dragons de pierre se font de plus en plus menaçantes et Rka doit déployer ses ailes de platine pour s’en prémunir. Cette démonstration de la faveur de Bahamut enrage les créatures de Tiamat qui s’acharnent toutes sur le paladin, à l’exception du rouge qui reste sous l’emprise d’Arias. Face au drider, Ildur doit lui aussi faire montre de tout son talent de combattant mais il finit par trouver l’ouverture qui lui permet de plonger l’un de ses poignards dans le cœur de l’abomination qui laisse enfin sa vie de douleur l’abandonner avec un râle de soulagement. Comme le cadavre monstrueux retombe lourdement au sol, Ildur remarque que celui de l’elfe noir s’est volatilisé pendant le combat.

Seul à avoir une vue d’ensemble des événements grâce à sa position en retrait, Arias se rend compte que même s’ils parviennent à venir à bout des monstres, leur victoire sera vaine si elle n’a pas de témoin. Or du fond des souterrains où ils se trouvent, le vacarme pourtant assourdissant du combat n’a aucune chance d’être perçu par qui que ce soit à la surface. Il manœuvre donc pour attirer la statue du dragon rouge à sa suite alors qu’il remonte vers la fête en invitant Rka à faire de même avec les autres constructs. La furieuse procession fait une entrée fracassante au milieu des convives, provoquant une incroyable panique. Mais les dragons de pierre ne sont pas seulement accueillis par une foule de courtisans éperdus de terreur, une armée de gardes du corps aguerris se dresse également face à eux, au premier rang desquels la garde personnelle de Lord Neverember. Avec un tel renfort à leurs côtés, les aventuriers renversent facilement le cours de la bataille.

Ils peuvent ainsi exposer au grand jour l’origine des créatures et révéler à la prestigieuse assemblée les funestes plans de leurs hôtes. Ceux-ci restent introuvables, ils ont fui avec leurs hommes dès que l’issue du combat n’a plus fait de doute. Devant ces preuves irréfutables, Lord Neverember ne peut que se résoudre à désavouer publiquement Albrecht et ses fils. Il poursuivra avec diligence tous leurs complices jusqu’à ce que la cellule du culte à Eauprofonde soit totalement démantelée. Mais ces mesures arrivent bien tard et sa réputation porte maintenant la marque indélébile de sa compromission avec les adorateurs de Tiamat. Sa brouille avec le duc de Baldur’s Gate apparaît sous un tout nouveau jour et si Eauprofonde elle-même s’est débarrassé de ses ennemis intérieurs, l’Alliance des Seigneurs sortira sans doute fragilisée de cette fâcheuse affaire.

 

 


 

 

 

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